Depuis le temps que j’entendais parler du street art présent à Rennes, il était temps que je fasse le déplacement en Ille-et-Vilaine pour voir cela de près ! Mais pourquoi l’art de rue tient une telle place dans la ville ?
Si de nombreux dessins sont éparpillés de façon illégale un peu partout, le Réseau Urbain d’Expression (RUE) recense la trentaine de murs autorisés, suite à une réflexion menée par la municipalité dès 2002, dont le but était de comprendre les besoins des graffeurs et de permettre de les accompagner. Elle offre désormais un cadre légal de pratique, avec ces espaces mis à disposition. Sur leur site on peut également découvrir les fiches de quelques artistes, pour mieux les connaître.
Autre initiative intéressante, le festival Teenage Kicks , une biennale d’art ubain , qui ne concerne pas que Rennes, mais aussi Saint-Malo et Nantes. La quatrième édition du festival s’est déroulée à l’automne, avec encore un réel succès et des artistes venus de la région mais aussi de l’étranger. Que de chemin parcouru par les associations Graffiteam et Plus de Couleurs, à l’origine du projet !
Destination Rennes, l’office de tourisme de la ville, propose une visite à pied pour découvrir le street art. C’est à une de ces visites que j’ai participé, avec Cécile, qui en connaît un rayon en matière d’art urbain, que ce soit le graffiti, le collage, le pochoir ou le sticker. Il suffit de réserver en ligne et se rendre au point de rendez-vous … le prix est modique et vous en prendrez plein les yeux.
Dès le début du parcours, j’ai découvert le travail de Bouchon, qui applique ses collages sur les murs de la ville … ci-dessous avec un travail soigneux de découpage pour placer le papier sur chaque brique ! Il utilise énormément les polaroïds, et s’inspire des collages du peintre breton Paul Bloas .
J’étais ravie de revoir une oeuvre de Touboulik (voir mon article sur Saint-Malo) , et ci-dessous à droite, un autre collage de Bouchon .
Dans une entrée d’immeuble, mon oeil est attiré par tous ces personnages aux grands yeux, un travail sur commande réalisé par Eric Quemener de Serialcouleurs, sur les deux murs de ce passage privé, qui l’égaye nettement.
WAR! est un artiste phare de la scène rennaise. Je découvre entre deux immeubles cette immense hermine, rue Victor Hugo. A l’instar de Banksy, gardant toujours son anonymat et en conséquence peignant la nuit à la lueur de la lune ou d’une lampe frontale, il peint souvent des animaux, pas mal de poissons … j’ai vu également son travail à la friche de Saint-Nicolas de Redon, dont je vous parlerai très prochainement. Il expose parfois, mais peint surtout de façon illégale, totalement assumée.
Rue Saint-Hélier, cette fleur est éclose depuis de nombreuses années, la teinte rouge est juste en peu fanée.
Sur un panneau situé rue Vasselot je retrouve l’artiste polonaise NeSpoon découverte au Portugal, notamment à Estarreja . Ses créations rappelant la dentelle, faites à la peinture sur mur ou même parfois sur céramique, sont très délicates. Celle-ci est assez différente de ce que j’ai pu voir jusqu’ici ; elle succède à une oeuvre de Blek le Rat (dont on peut voir encore un petit rongeur sur le pied gauche). C’est un retour en Bretagne pour l’artiste, qui avait déjà réalisé une fresque de 70m² inspirée de la broderie bigoudène à Pont-l’Abbé dans le Finistère.
A l’image de Paris et son mur Oberkampf, ou Dijon plus récemment, la ville de Rennes invite des artistes à s’exprimer à tour de rôle sur ce M.U.R. (Modulable Urbain Réactif) de 4 mètres par 3.
Le collectif belge Hell’o Monsters a fait un petit arrêt à Rennes à l’occasion de Teenage Kicks 2015. Ce duo artistique est composé de Jérôme Meynin et Antoine Detaille ; ils ne peignent plus guère de lettres façon graffiti sur les murs, mais préfèrent maintenant poser sur le papier leurs créatures asexuées ou animaux énigmatiques. War! avait auparavant écrit quelques mots sur le même emplacement, il y a quelques années.
En 2010, Blu avait fait étape à Rennes pour réaliser une fresque sur la façade nord du Théâtre National de Bretagne, visible depuis le parking de France 3 Bretagne. Celle-ci avait été peinte à l’occasion du festival Mettre en scène. La peinture avait alors servi de point de départ à la pièce « Marx, un racconto d’inverno », mise en scène par Silvano Voltolina. J’espère qu’il n’effacera pas ce robot aux multiples détails, comme il l’a fait à Berlin ou en Italie pour quelques unes de ses oeuvres menacées par des projets immobiliers.
J’ai adoré cette fresque au médaillons inspirés par l’Art Nouveau, faite sur commande par Mathias Brez , artiste actif à Rennes (et co-fondateur de Teenage Kicks) mais natif du Morbihan, avec un style qui n’est pas celui de ses oeuvres habituelles. La ville a même acheté une de ses oeuvres par l’intermédiaire du Fonds municipal d’art contemporain, une belle reconnaissance. A voir aussi sur son instagram brez72 .
J’ai tout de suite reconnu le style particulier du néerlandais Daan Botlek , découvert à Rotterdam récemment avec son « make it happen« . Ses personnages blancs cernés de noir sont caractéristiques ; cette oeuvre est plutôt surréaliste et pour moi évoque l’équilibre. Elle a été réalisée sur les murs de l’école primaire du Colombier, rue du Docteur Francis Joly, à l’occasion du festival Teenage Kicks de 2017.
Autre fresque réalisée lors de Teenage Kicks, mais en cette année 2019, celle de la britannique Helen Bur « Hold your own ». Encore un vrai plaisir de revoir les peintures de l’artiste, dont j’avais vu les murs jumeaux à Aberdeen au printemps pour Nuart. L’une des femmes portait d’ailleurs déjà dans ses mains un cercle similaire, peut-être une évocation de la maternité par l’artiste.
Cécile et moi avons pris l’ascenseur pour rejoindre le sixième et dernier étage de la bibliothèque pour voir la fresque d’Ali ,(Arthur Louis Ignoré) un artiste qui vit et travaille à Rennes, que je ne connaissais pas. Son domaine c’est l’ornement : fresques murales et au sol, pratique au pinceau : motifs, dessins …
Cet immense mandala « All on one roof » a été posé sur le toit du bâtiment en contrebas (la CPAM et la CAF) lors du festival Maintenant en octobre 2015. Ses interventions s’intègrent dans le paysage urbain qui l’entoure, souvent en noir ou blanc, et d’inspiration végétale. On salue la performance, car le tableau est tout de même très grand : 1100 m²
On rejoint ensuite le boulevard du Colombier le long de la voie ferrée, et son « Wall of fame » qui est recouvert chaque année d’oeuvres différentes pendant le festival Teenage Kicks, et où est faite la part belle au lettrage la plupart du temps. Cette frise de 900 mètres de long permet à une trentaine d’artistes très variés de s’exprimer, et au public de les rencontrer et échanger avec eux pendant qu’ils peignent.
Lélé et LTG ont peint ensemble ce mur un peu terrifiant mêlant singes et crânes …
En face, le parking allée Ferdinand, est le terrain de jeux des graffeurs. Lélé et Tarek se sont associés pour peindre ce bloc de béton, sur fond bleu.
Tarek avait peint plusieurs fresques lors du Festival Urban Art Jungle édition numéro 5, c’était un plaisir de revoir son travail dans ce « un gorille peut en cacher un autre » …
J’y ai remarqué également deux très jolis dessins réalisés au pochoir par Soul Jah Dom .
Nous avons ensuite pris le métro (oui, oui, il y a un métro à Rennes !) pour rejoindre le quartier Villejean, où se trouvent quelques fresques.
Tout d’abord, j’ai pu revoir avec plaisir le travail du portugais Hazul, (souvenez-vous il avait fait partie des artistes impliqués dans le village street art Azureva à Hauteville-sur-Mer, ainsi qu’au festival Peinture Fraîche à Lyon.
Presque en face, un très beau Seth Globepainter (Julien Malland) représentant une Mama à la peau bleue, le visage dans une tenture façon arc-en-ciel. (à voir avenue de la bataille Flandres-Dunkerque)
… Mais je n’étais pas au bout de mes surprises, en rejoignant le campus j’ai trouvé sur le bâtiment L un C215 représentant Toni Morrison peint au spray sur béton à l’occasion du festival Maintenant et avec le concours de l’association Clair Obscur. C’est une fresque récente, peinte en octobre lors d’une journée d’étude sur le street art organisée par l’université Rennes 2. Comme vous le savez, Christian Guémy aime représenter des personnages illustres qu’il immortalise au pochoir sur de multiples supports, murs, portes ou boîtes aux lettres ; Toni Morrison est une grande romancière américaine décédée à 88 ans cette année et première femme afro-américaine à avoir reçu un prix Nobel (de littérature). A cette occasion, une autre fresque a été réalisée, par les artistes Marco Pardo et Santiago Morilla … mais elle est plus difficile à regarder, se trouvant sur le toit du bâtiment M.
A gauche de l’entrée de la bibliothèque unversitaire, c’est Mya, qui fait partie du collectif « La Crèmerie », qui a peint ce robot qui s’effrite en plusieurs morceaux. C’était à l’occasion d’un parcours artistique urbain organisé par la ville de Rennes en 2016.
Comme vous le constatez en lisant mon article, la scène street art de Rennes est très dynamique, et les murs changent assez régulièrement ! Cela vaut le déplacement, c’est évident.
Avant de conclure, je souhaite partager avec vous mes photos de plusieurs fresques magnifiques d’ Aero (présent au Zoo Art Show 2 à Lyon cette année). Je suis fan de ses dessins hyper-réalistes, en noir&blanc ou en couleur. Je les ai découverts par hasard lors de mon retour de l’aéroport de Rennes en navette autobus. Elles se trouvent boulevard Saint Conwoïon dans une très grande entrée de plusieurs immeubles.
Où manger ?
Lors de cette courte escapade j’ai pu tester deux adresses très différentes, comme vous allez le voir.
Première étape, pour le déjeuner, le bistrot Origines, dans l’ancien Hôtel Dieu investi par un important centre d’escalade en salle, The Roof, un espace urbain de loisirs. Origines c’est aussi une micro-brasserie, et on peut y bruncher le samedi et le dimanche … La cour doit être très agréable en été ! J’ai opté pour un délicieux boeuf bourguignon aux pâtes fraîches maison puis une tarte au citron … un sans faute pour l’un comme pour l’autre.
Bistrot Origines dans The Roof – 2 rue de l’Hôtel Dieu
Plus chic mais pas guindé, j’ai apprécié au dîner le restaurant Chez Pierre, ouvert par Pierre Éon, qui fut candidat à l’émission Top Chef (mouture 2016) et Rennais d’origine.
A seulement 29 ans, ce chef peut se targuer déjà d’une belle expérience chez M&H Sibuet à Saint-Tropez.
Cette fois-ci j’ai choisi de la lotte à l’ail noir, citron confit et chorizo ibérique (plat à droite ci-dessous). A gauche c’est le fameux « tigre qui pleure », un plat thaï à base de viande de boeuf (faux-filet la plupart du temps) marinée et pimentée (mais ici on peut avoir une version assez soft côté piment !).
Chez Pierre « restaurant de copains » – 33 rue Nantaise – Tél. 02 99 65 51 30
Où dormir ?
A l’occasion de cette visite, j’ai eu la chance de dormir dans une ancienne caserne qui fut aussi un cinéma d’art et d’essai, une adresse dont j’avais entendu parler en bien pour leur superbe brunch : le Magic Hall. J’ai dormi dans une des chambres « danse » au 2ème étage, mais il existe de nombreuses ambiances différentes, à vous de choisir … Au nombre de 19, elles sont toutes décorées d’un goût très sûr et original à la fois, loin des atmosphères standardisées ; il y a même un studio de répétition pour les musiciens ! Choisissez la thématique entre cinéma, théâtre, musique ou danse ; deux chambres sont en duplex. Les gourmands se régaleront au petit-déjeuner, qui est pris à une grande table, tous ensemble, avec madeleines, kouign amann, far breton, cakes divers et variés, chocolat chaud … Elise est aux petits soins pour les invités.
Le Magic Hall – 17 rue de la Quintaine
Un grand merci à Yolaine de l’Agence de développement touristique d’Ille-et-Vilaine, Cécile, Emmanuel et toute l’équipe de Tourisme Rennes, spécial coucou à Marie-Julie aussi.
TOURISME RENNES
Site Web : https://www.tourisme-rennes.com/fr
9 réponses sur « Street art à Rennes »
Très jolie cette fresque de Seth ! merci pour les bonnes adresses aussi, je kiffe 🙂
je ne pensais pas qu’il y avait autant de street art à Rennes, merci pour la découverte !
Je ne connais pas Rennes et j’étais loin de penser que c’était une mine d’or pour le Streetart.
Merci pour cette découverte !
C’est en effet une des villes en Bretagne où il y en a le plus !
C’est juste génial, je redécouvre ma ville à travers ton article. Mis à part le Wall of Fame et quelques oeuvres de War, je n’avais jamais vu la diversité de fresques dont dispose Rennes. Tu m’as complètement convaincue de faire cette balade street art avec l’office de Tourisme.
Et c’est super de te lire, on sent que tu t’y connais sur le sujet !
eh oui il y en a pas mal si on fouille bien ! N’hésite pas à aller en pays de Redon aussi !
Bravo pour cet article qui permet aux néophytes de mieux comprendre que le street Art ou graffiti en anglais est un art à part entière.
On est bien loin des « tags » indécents et sans intérêt qui ont fleuris sur les façades des immeubles au seul objectif de satisfaire le narcissisme de ses auteurs.
Rennes comme St Brieuc en Bretagne ont pris en compte le plus de ces décorations de façades, éphémères ou pérennes, comme l’avaient déjà fait d’autres grandes métropoles.
Le quartier de Shoreditch à Londres en est un magnifique exemple.
Désormais beaucoup de ces villes ont intégré ces fresques comme un patrimoine en les mettant en valeur dans leurs « programmes de visites découvertes ».
merci pour votre commentaire ; c’est en effet un moyen comme un autre de promouvoir le tourisme dans les villes, en France comme ailleurs 🙂
[…] le pignon d’une maison. Il est pas mal présent en Bretagne, relisez par exemple mon article street art à Rennes . Voulant illustrer la nouvelle « le vieil homme et la mer » d’Ernest Hemingway, il a […]