Lorsque j’ai indiqué à des amis suisses que mon prochain roadtrip en Suisse allait inclure Le Locle, la réaction fut immédiate : « mais que vas-tu faire là-bas ? Personne ne va dans ce trou ! » Il est vrai que la commune n’attire pas beaucoup les visiteurs, enfoncée aux confins du Jura neuchâtelois. La ville a connu de nombreuses mutations au fil du XXe siècle, survenues notamment suite à l’immigration italienne, et demeure encore le berceau de la technique horlogère, avec de grandes marques présentes (Tissot, Rolex, Zodiac …) mais aussi de la micro-technique et du médical. La ville du Locle est d’ailleurs distinguée par l’UNESCO pour son patrimoine architectural horloger !
Pour répondre donc à la question, c’était pour voir un formidable musée à ciel ouvert (ou exomusée), qui commence à faire parler de lui, puisqu’un grand article lui était consacré dans un récent numéro de l’excellent magazine Street Art and Graffiti.
Un passage rapide à l’Hôtel de Ville (à la très belle architecture) pour prendre un plan du parcours (on est très bien accueilli) et hop, prête pour l’exploration !
Depuis le début de l’année 2018, l’association à but non lucratif « Luxor Factory » créée en 2011 fait venir au Locle des artistes suisses et étrangers pour contribuer à élaborer un parcours consacré aux arts urbains, à ciel ouvert : calligraphies, peintures, collages, ou même sculptures accompagnent les visiteurs qui viennent ici pour quelques heures ou pour plus longtemps. Les street artistes sont accueillis en résidence pour quelques jours, dans une maison ancienne, autrefois atelier fabrique d’horlogerie de la manufacture Luxor.
Cette association a été fondée par Sylvie et François Balmer, et depuis 2020, leur projet est soutenu par la Confédération Helvétique, et figure aussi dans les accords de positionnement stratégiques du canton de Neuchâtel.
Toute récente et sans doute ma préférée de cet itinéraire, celle située rue Jean d’Aarberg, de Youri Cansell aka Mantrarea, artiste qu’on ne présente plus et qu’on avait pu accueillir à Décines dans l’ Offside Gallery. Je n’y connais rien en papillons, mais il paraît qu’on peut voir sur ce grand tableau la Belle-Dame (c’est celui qui est orange à taches noires), la zygène de la filipendule, le nacré de sanguisorbe, la caloptéryx virgo (c’est la libellule) … Une belle collection entomologique de ces insectes éphémères qui regroupe uniquement des espèces qu’on peut voir dans la région, car l’artiste et naturaliste Mantra y tient beaucoup.
Originaire du Tessin, comme NeverCrew, Mona Caron a souhaité représenter cette plante herbacée « La grande gentiane », qui -le saviez-vous- est aussi utilisée par les horlogers ! En effet ils se servent du bois de sa tige pour polir à la main certaines pièces de haute horlogerie, en plus d’être appréciée par les amateurs de produits du terroir.


Il faut lever la tête pour repérer les sculptures rouges de James Colomina, (l’enfant gazé et « Wonderland ») car elles se trouvent sur les toits, dénonçant les méfaits de la pollution urbaine. Vous aviez peut-être vu l’un de ses personnages, un enfant au bonnet d’âne, sur le pont Neuf à Toulouse, la ville où il est installé, qui avait beaucoup intrigué le public (et moi aussi d’ailleurs).
MonkeyBird incarne les gardiens du temps, sous les traits d’animaux totémiques ; j’avais pu les découvrir au Street Art Fest de Grenoble, mais aussi à Decazeville en Aveyron, pour MurMurs.Bravo à ces deux artistes français ! En regard de chaque oeuvre, un panneau donne le nom de l’artiste, le nom de l’oeuvre, et, en trois langues (français, allemand et anglais), des explications qu’on peut consulter en flashant un QR-code.
J’étais ravie de revoir des oeuvres de la polonaise Nespoon, qui rend hommage à la dentelle locloise (eh oui, on ne fabrique pas que des montres ici !) Cette illustratrice qui vit et travaille à Varsovie réalise au pochoir ses oeuvres murales, mais elle travaille sur bien d’autres supports, comme la céramique.
Pour le moins monumentale, l’oeuvre de BustArt s’étend sur cet immeuble de huit étages et 175 m², représentant Geo Trouvetou, et un séducteur qui consulte sa montre, inspiré de l’affiche du film Retour vers le futur. Des personnages kitsch et vintage mêlés à des icônes Disney, beaucoup de couleurs pour un hommage au temps qui passe que j’aime beaucoup.

Il n’y a pas que des fresques monumentales dans la ville ! Ouvrez l’oeil et vous verrez aussi les dessins souvent humoristiques de Oak Oak, originaire de Saint-Etienne, qui était présent au Festival Peinture Fraîche à Lyon.
Autre artiste présent et au style reconnaissable entre mille, Toc Toc, qui nous met en garde … « Gare au temps qui passe » !!
Nous avons terminé notre itinéraire par le Col des Roches, près des moulins souterrains (que je vous recommande d’aller voir, d’ailleurs). On peut y voir trois oeuvres, dont celles ci-dessous, à gauche par Wes21 « (un artiste suisse qui vit à Bienne) Unity is key » (l’unité, c’est la clef) qui occupe sur 80 m² un pignon de bâtiment. L’artiste a peint au pinceau et au rouleau cette fresque originale d’un chat aux yeux fixes, sur la tête duquel une souris tient une clef. « L’idée est de parler d’amitié transfrontalière, la clef symbolise la solution à des problèmes, qu’on peut résoudre en se mettant ensemble ; elle est symbolique de cette amitié entre la France et la Suisse, et on pourrait voir dans la souris le plus petit pays, la Suisse, et dans le chat, la France » explique François Balmer.
A droite, on reconnaît rapidement le style de Levalet. J’ai beaucoup aimé ce travail de découpe de roues crantées sur le fond en briques, et ces personnages qui sortent du décor ; l’oeuvre est intitulée « Sauve qui peut« , qui symbolise une fable de «dégringolade sociale».
dommage c’est un peu loin pour moi … mais ça a l’air canon !
oh oui ça l’est, et ça vaut le déplacement ! A côté tu peux visiter la Chaux-de-Fonds, Neuchâtel …
gros coup de coeur pour le mur de BustArt ! j’adore ce style comics
ces fresques sont incroyables, ça met de la couleur dans cette ville un peu triste …
Canon ces murs peints !!! ❤️