Hello les amis, ça vous dirait de retourner au Maroc ? Au mois de novembre j’ai pu explorer certaines parties du nord du pays, en testant la ligne Lyon-Tanger d’Air Arabia. Après avoir visité Tanger, nous avons rejoint le lendemain la ville hispano-mauresque de Tétouan , à environ 60 kilomètres, perchée sur les flancs du djebel Dersa, qui domine la vallée fertile de l’oued Martil. On la surnomme « la colombe blanche » en raison de la couleur de ses façades.
Elle fut fondée en 1307 sous la dynastie des Mérinides et devint assez vite un repaire de pirates, ce qui lui valut de gros problèmes, à l’initiative de Henri III de Castille, puis de Philippe II d’Espagne, qui voulaient rendre l’endroit plus fréquentable. Fait inhabituel, Tétouan fut gouvernée durant 17 ans par une femme, de 1525 à 1542 (« la Citta al-Horra » qui signifie la dame libre), qui l’ayant reçue de son frère Ibrahim ben Rachid, jusqu’à ce qu’elle soit détrônée (elle était l’épouse du roi de Fès).
La cité conserva son indépendance jusqu’en 1860, date à partir de laquelle elle fut occupée par l’armée espagnole pendant trois ans. Le protectorat de 1912 plaça Tétouan dans la zone d’influence de l’Espagne, qui en fit même sa capitale. Ce n’est qu’en 1956 qu’elle redevint marocaine.
La ville est entourée de remparts crénelés formés d’épaisses murailles, de tours élevées et de bâtisses dans le plus pur style andalou. Nous commençons notre visite par la place Moulay El Mehdi , où, autour de quelques palmiers, des bâtiments très différents s’articulent. Nous sommes dans la nouvelle ville moderne espagnole, « El Ensanche » (« l’extension ») , qui constitue une partie de la mémoire historique de la ville.
Ci-dessous à gauche, l’église (parfois appelée cathédrale) Notre-Dame-de-la-Victoire, à la belle couleur ocre, construite en 1919, à l’époque du protectorat espagnol. Il paraît que l’intérieur ressemble à celui d’une mosquée andalouse.
De là, il faut absolument déambuler dans la rue Mohammed V, qui est piétonne, pour admirer l’ architecture coloniale espagnole , se laisser surprendre par les balcons imposants, et les contrastes de styles.
Cette large rue relie la place Hassan II à la place Moulay Idriss ; c’est une promenade très agréable, avec quelques commerces et cafés dont les enseignes rappellent aussi le passé espagnol de Tétouan.
Les façades blanches aux volets verts, les loggias, qui datent du début du XXème siècle, témoignent également de cette époque.
Comme vous pouvez le constater sur ce point de vue, c’est une artère très animée !
Voici la zaouïa (et pas une mosquée), où les musulmans peuvent suivre des séances coraniques, faire une retraite ; c’est un centre autour duquel une confrérie soufie se structure.
J’ai eu un coup de coeur pour l’un des plus anciens et célèbres bâtiments, à savoir Dar Taïr. Cet immeuble qui surplombe la place Al Jalae comporte une magnifique statue, qui témoigne de la créativité des artistes espagnols. Je n’en sais hélas pas plus sur l’origine de cette construction.
Au bout de la rue Mohamed V, nous arrivons à la Place du Feddane, où se trouve le palais royal restauré en 1948, ancienne résidence du représentant du sultan sous le protectorat espagnol. Ses noms sont variés, on l’appelle aussi « Place Mechouar » et par le passé bien entendu, « Plaza de España ». Le palais royal ne se visite pas, et quand le roi est là, des barrières bloquent tout accès à la place, ce qui était le cas lors de notre passage.
De là, nous avons rejoint ensuite la vaste médina, qui fut classée au patrimoine mondial par l’Unesco en 1997.
Les différents corps de métier sont regroupés dans ce dédale de ruelles étroites : cuir, bijoux, broderies, céramique, menuiserie … arrêtons-nous quelques instants dans la partie où les peaux d’animaux sont teintes, découpées. Les tanneries (en photo à droite ci-dessous) dateraient de la fin du XVème siècle voire du début du XVIème siècle ! (près de Bab Mkabar). Tétouan s’est fait connaître par le travail d’appliques en cuirs découpé qui composent des motifs géométriques ou floraux. Le cuir représente d’ailleurs plus de 60% des exportations de la région.
Il y a même une école artisanale (école des arts et métiers) côté ville moderne, où différents métiers sont enseignés, ce depuis 1916. Hélas nous n’avons pas eu le temps de la visiter.
Outre l’artisanat traditionnel florissant, on retrouve aussi des stands de denrées alimentaires variés : viande, fruits, légumes, mais aussi pains et gâteaux. Vous pourrez y goûter à la kesra (petits pain rond) ou acheter des épices. Des hammams et fours publics sont disséminés dans la médina, où les habitants apportent leurs préparations pour les faire cuire ; cela nous semble un peu incongru, mais c’est bien pratique pour les tétouanais !
A une heure trente de route de Tétouan, et dans ma liste des lieux à visiter absolument, Chefchaouen se positionnait bien évidemment en haut de liste … la faute à Instagram, bien sûr, entre autres. C’est en effet depuis que Mark Zuckerberg, que je n’ai pas besoin de vous présenter, a partagé en 2015 des photos de ce village aux ruelles bleu indigo, pour présenter de nouvelles fonctionnalités de ce réseau social, que les touristes se sont mis à se bousculer, plus nombreux chaque jour.
Manne inespérée pour les commerçants et habitants, qui font visiter leur maison, ou la transforment en musée ou chambre d’hôtes … Chaque matin, plusieurs cars de groupes chinois arrivent, pour prendre un peu tout et n’importe quoi en photo, les plus jeunes prenant des poses aguichantes pour leur communauté insta (ou tik tok ?). Cela peut faire peur, mais en fait dans la pratique, ils restent surtout dans la rue principale, il est très facile de les éviter en allant vers d’autres ruelles tout aussi …. bleues et tout aussi jolies. Figurez-vous qu’un restaurant chinois a été ouvert pour répondre à la demande ! Donc pour résumer, mon petit conseil, éloignez-vous si besoin de la rue Hassan-1er, qui traverse de part en part la cité, et perdez-vous ailleurs … vous retrouverez sans problème votre chemin, avec la pente il est facile de se repérer.
Le magazine Conde Nast Traveler a également ajouté Chefchaouen à la liste des plus belles villes du monde, aux côtés de Paris, Venise ou Dubrovnik … ou Jaïpur, bleue aussi.
Si vous faites une visite de Chefchaouen, l’un des points forts, en dehors des petites rues bleues, sera certainement la Kasbah, au cœur de la médina. Elle fut construite au XVIIème siècle pour défendre la ville des envahisseurs (il y avait aussi une prison). Montez au haut de la tour pour des vues panoramiques de la ville, ou visitez le musée ethnographique à l’intérieur des murs du château. L’accès est payant (pas le même tarif pour les étrangers et pour les marocains, ça fait bizarre).
L’impressionnante forteresse médiévale est entièrement murée par de solides murs rougeâtres et, dans l’un de ses angles latéraux, se trouve la Tribute Tower ; il faut grimper au sommet, car c’est le meilleur endroit de la ville pour prendre des photos.
Ci-dessous à droite : l’entrée de la Kasbah, qui se fait par un escalier dans la tour.
A gauche, voici la place Uta Hamam , qui est entourée de cafés maures, et de boutiques touristiques. Cette « place des pigeons » doit son nom au marché qui s’y tenait dans les années 70, et qui les attirait. On y voit le minaret octogonal (comme dans tout le Maroc du Nord) de la Grande Mosquée , qui date du XVIème siècle.
Le village (assez important, on pourrait parler de ville), est perché à 600 mètres d’altitude, entre deux massifs, au pied du jbel ech-Chefchaouen (qui signifie « la montagne des cornes » en amazigh, berbère rifain) dont il tire son nom ; il s’étale à flanc de coteau et parfois on l’appelle tout simplement « Chaouen » ou « Xaouenn ».
La cité fut fondée en 1471 par le chérif Moulay Ali Ben Rachid pour stopper la progression des portugais et des espagnols, arrivés à Ceuta. Le sultan un château fortifié dont on voit encore quelques morceaux de murailles. Elle accueille les réfugiés musulmans après la chute de Grenade. On y compte une vingtaine de mosquées et de sanctuaires, aussi on y respire une atmosphère de profonde sérénité. Pour cette raison on l’a appelée ville sainte, et elle fut même interdite, pendant quatre siècles et demi, aux non-musulmans, enfin surtout aux chrétiens. Seuls trois personnes arrivèrent à y pénétrer avant la fin du XIXème siècle, grâce à des déguisements (un missionnaire catholique, un journaliste britannique, et un autre missionnaire, américain, qui lui fut empoisonné par ses hôtes).
Chefchaouen fut cependant un haut lieu de la résistance pendant la guerre du Rif, en résistance au protectorat espagnol, dans la lutte qui opposait les troupes de Mohammed Ben Abdelkrim aux soldats espagnols.
Ses quarante mille habitants vivent de l’agriculture, de l’artisanat et du tourisme, et il fait bon y flâner dans ses petites rues pavées parfaitement propres envahies de pas mal de chats.
Il y a de bonnes affaires à réaliser si vous cherchez un tapis ou couverture de qualité à un prix raisonnable. Mais vous me connaissez, je préfère prendre des photos que faire les magasins !
…. Mais pourquoi du bleu ?
En premier lieu, cette couleur a la particularité d’absorber les rayons du soleil, et donc de préserver la fraîcheur des maisons … mais ce n’est pas la seule raison. La deuxième est très pragmatique aussi : le mélange de la chaux (sulfate du cuivre) et de la peinture possède la propriété d’éloigner les moustiques et les termites paraît-il.
Les maisons sont repeintes au mois une fois par an (parfois davantage) pour en conserver l’éclat …. instagrammable. Il paraît qu’un groupe de locaux, fatigués de l’affluence touristique, a tenté de lancer une campagne pour revenir au blanc sur les murs. Mais l’initiative n’a pas remporté l’enthousiasme prévu ! Les bleus sont toutefois différents : blanc teint de bleu-violet, de bleu glacier ou de bleu indigo. Avec tous ces bleus, Chaouen reflète véritablement l’influence andalouse.
J’aime bien cette photo car on voit à quel point les montagnes sont proches …. il s’agit de la plaza El Hauta , et sa fontaine publique, fraîchement repeinte. Sous les arcades, un café aux chaises colorées 🙂
Bon à savoir : on ne me l’a pas demandé, mais il est possible que pendant votre visite quelqu’un vous accoste dans la rue et vous demande « si vous voulez quelque chose » … ce qui veut dire : « voulez-vous m’acheter du haschich? » en langage chaouen … Même si tout le monde ou presque fume du « kif », c’est bien sûr interdit au Maroc, et dans ce joli petit village beaucoup vivent de la culture du cannabis dans le Rif. Attention donc, ne tentez pas le diable !
Si vous aussi vous adorez Chefchaouen, je vous conseille de vous abonner à mon compte instagram : j’ai pris tellement de photos que je pense les distiller sur ce réseau social, je ne pouvais pas tout mettre ici !
Où manger ?
On m’a dit beaucoup de bien du Restaurant Palace Bouhlal , à côté de la Grande Mosquée ; le lieu vaut le détour, j’ai pris une photo de la salle, c’est une très ancienne maison très typique avec de jolis salons typiquement marocains.
Jamaa Kabir n°48
Nous avons mangé comme des ogres dès notre arrivée à Chefchaouen, au restaurant Tissemlal de la Casa Hassan, qui est un beau riad.
Couscous, tajine étaient excellents, comme le service, attentionné et souriant. Bien sûr le thé à la menthe est servi de façon traditionnelle et fait glisser tout cela sans problème !
Spécialité moins connue en France, nous y avons goûté la baisara (bissara), à base de fèves au cumin et autres épices ; cette soupe légendaire aurait constitué l’ordinaire des soldats d’Abdelkrim el-Khattabi pour se donner du courage pendant la guerre du Rif entre 1921 et 1926 face aux troupes franco-espagnoles.
Restaurant Tissemlal dans riad Casa Hassan – 22 rue Targui
Où dormir ?
Situé sur la plage de Soumia à Tamouda Bay, le Banyan Tree est composé de 92 villas dispersées dans un beau jardin, et qui sont très vastes (200 m², voire 400 m² pour les familles) , d’un grand raffinement et qui disposent chacune d’une piscine privée. Avec trois restaurants (cuisine Thaï, Méditerranéenne et Marocaine), difficile de se lasser pendant les repas.
Cette chaîne d’hôtels de Singapour est réputée pour la qualité de son spa et des soins qu’elle y prodigue. Ici, un bâtiment entier lui est consacré …
Banyan Tree Tamuday Bay – Route Nationale 13, Oued Negro، Fnideq
Alors, est-ce que je vous ai donné envie de voir ces deux villes, Tétouan et Chefchaouen ? Avez-vous une préférence entre les deux ?
Tetouan et Chefchaouen sont accessibles en voiture depuis Tanger, ville desservie par Air Arabia au départ de Lyon.
Ce voyage fait suite à une invitation de Air Arabia, Aéroports de Lyon et l’Office du Tourisme du Maroc. Les choix éditoriaux des articles qui font suite à ce voyage me reviennent librement.
AIR ARABIA
Site Web : https://www.airarabia.com/fr
LYON AEROPORTS
Site Web : https://m.lyonaeroports.com
OFFICE DU TOURISME DU MAROC
Site Web : https://www.visitmorocco.com/fr
7 réponses sur « Tetouan et Chefchaouen »
Je préfère Chefchaouen mais à vrai dire Tétouan m’a l’air bien pittoresque aussi … autant visiter les deux mon capitaine ! 🙂
Quel beau mélange de cultures, j’ignorais que les Espagnols étaient passés par là. Et pour ne rien gâcher à la visite de ces rues authentiques, ton hôtel et la montagne de couscous font très envie 😉
c’est une région que je ne connaissais pas et j’en suis tombée raide dingue … je te conseille d’y aller très vite !
j’aime beaucoup l’architecture de Tetouan, mais comment résister à Chefchaouen et ses bleus ? je ne peux pas choisir 🙂
je te comprends tout à fait ! 🙂
La dernière fois que je me suis rendue à Tétouan, j’étais encore enfant, je n’en garde donc qu’un très vague souvenir. Je devrais peut être y retourner histoire de me rafraîchir la mémoire et de voir à quoi la ville ressemble aujourd’hui. Quant à Chefchaouen, il est clair que j’ai moi aussi été conquise par les photos d’instagram et les tiennes aussi. J’espère pouvoir m’y rendre prochainement. Apparemment il y a également des randonnées intéressantes à faire non loin de Chefchaouen vers Aqchour.
merci pour ton commentaire. En effet je n’ai pas eu le temps de tester l’aspect randonnées mais comme on est près du Rif il y a sûrement des sentiers à explorer …