Nous nous étions quittés à Gallipoli à la fin de mon précédent article, décrivant l’une des étapes de notre roadtrip dans les Pouilles, dans le sud de l’Italie.
Poursuivant notre route toujours le long du littoral, en direction du sud, nous arrivons enfin à Taranto ; cette ville jadis magnifique est aujourd’hui séparée en deux parties distinctes : un centre historique (délabré comme vous allez le voir), qui est situé sur une île artificielle protégeant une lagune (le Mar Piccolo), et une ville nouvelle (que nous n’avons pas visitée). Ce sont des colons d’origine spartiate qui ont bâti la ville, à l’emplacement de l’acropole d’une cité grecque fondée au VIIIe siècle avant J.C.
Ce que nous voyons en premier en arrivant, c’est ce magnifique château aragonais, appelé aussi Castel Sant’Angelo. Il a été aménagé sur l’emplacement de fortifications byzantines entre 1487 et 1492, sous le règne de Ferdinand 1er d’Aragon. Il appartient aujourd’hui à la marine après avoir été converti en prison au XVIIIe siècle.
Castello Aragonese – Piazza Municipio 4 – Visite tous les jours à heure fixe – Entrée libre
À droite de l’hôtel de ville, sur la piazza Castello, se dressent deux colonnes doriques, vestiges d’un temple dédié à Poséidon datant du VIe siècle avant J.C. C’était le plus ancien temple de la Magna Gracia et la seule structure grecque encore visible dans la vieille ville de Taranto. Néanmoins, d’autres hypothèses ont vu le jour quant à la divinité à laquelle était consacré ce temple. Certains historiens auraient évoqué Artemis, Persephone ou encore Hera. Les deux seules colonnes subsistantes font plus de 8 mètres de haut ; il devait sans doute y en avoir six en façade et treize sur les côtés. Il est vraiment dommage que les autres éléments du temple aient été dispersés puis lors de la rénovation du couvent des Célestins en 1926 et de l’église de la Sainte-Trinité en 1973.
Portant notre regard vers la mer, on aperçoit avec suprise des sirènes sur les rochers, depuis le lungomare … ce sont des sculptures de Francesco Trani, réalisées en ciment marin, censé résister à la salinité des mers. Cette installation rappelle la légende de la sirène Skuma, à l’époque où Tarento était la capitale de Magna Grecia (ou « Grande Grèce »).
Étroitesse des ruelles, linge qui sèche aux fenêtres … à Taranto ça sent bon l’Italie du Sud !
Dans la vieille ville, nous avons vu pas mal de dessins sur les murs, souvent sans signature … cela redonnait un peu de vie à toutes ces maisons ou palais décrépis. Ceci dit, si le street art vous intéresse, de très belles murales sont visibles en périphérie de Tarento, grâce au projet « Trust », un festival permanent qui a permis de transformer une partie de Taranto un musée à ciel ouvert. Dommage, nous n’avions vraiment pas le temps d’aller les voir. Plus d’infos par ici ⇒ http://www.progettotrust.it/
En marchant dans la vieille ville nous avons vu de nombreux palazzi abandonnés, en assez mauvais état … c’est fort dommage … (mais ça donne une ambiance particulière et très attachante, beaucoup moins touristique que ce que nous avions vu jusqu’à présent).
Le contraste entre la décrépitude de la vieille ville et l’opulence de l’intérieur de la cathédrale est saisissant. Elle se situe au coeur de l’île où se trouve le quartier ancien, et est consacrée à un moine irlandais, San Cataldo. C’est l’une des plus anciennes églises romanes de la région, mais comme vous le voyez sur la façade il y a eu bien sûr quelques ajouts de style baroque qui datent de 1713. Pour voir la partie romane, contournez le bâtiment par la gauche (on voit un peu sur ma photo ce mur en pierres).
Dans la nef centrale, on admire le plafond à caissons du XVIIe siècle, qui contraste avec la pierre brute des murs et des colonnes. Comme le dit l’affiche à l’entrée de la cathédrale …
»si tu es croyant, prie. si tu ne l’es pas, admire !«
Datant de l’époque de la première église, (donc de l’époque Normande), près de l’autel, on découvre des mosaïques au sol qui datent de 1160 et sont attribuées au mosaïste Petroius, commandées par l’archevêque Giraldo. Elles représentent les vices et les vertus, mais aussi certains animaux.
Le clou du spectacle dans cette cathédrale, c’est la chapelle San Cataldo, ornée de fresques, statues et marbres polychromes. C’est là que sont conservés les restes du saint (à l’intérieur de l’autel en marbre). Les peintures du dôme sont attribuées à De Matteis (1773), avec des scènes de la vie et les miracles du saint, et sont de toute beauté !
En passant sous le choeur, on accède à la crypte, où l’on retrouve des fragments de fresques byzantines des XIIIe et XIVe siècles.
Duomo San Cataldo – Via Del Duomo – Ouvert de 8 h à 12 h et de 16 h 30 à 19 h 30 – Entrée libre
L’église San Domenico et le cloître voisin ont des heures d’ouverture assez aléatoires aussi nous n’avons pu les visiter. Voici néanmoins une photographie de la façade de l’église, qui conserve ses formes romano-gothiques d’origine, avec cependant un monumental escalier baroque incorporé dans celle-ci.
Enfin, pour terminer ce roadtrip et avant de rejoindre Bari pour reprendre notre avion, il était indispensable de voir Matera, dans la région Basilicate. Celle-ci se divise en deux parties principales : la ville moderne de la plaine (« Il piano« ), et l’ancienne Rioni Sassi, qui est récemment entrée au patrimoine culturel mondial de l’UNESCO … Matera fut également capitale européenne de la culture en 2019. Matera est surtout connue pour ses « sassi« , ces vieux quartiers qui se trouvent dans une zone rocheuse, tout près d’un large ravin appelé « Gravina ».
Nous nous sommes garés pas très loin du Palais Lanfranchi, qui a été construit à la fin des années 1600 pour accueillir le séminaire diocésain. C’est là que se trouve, depuis mai 2003, le musée national d’art médiéval et moderne de la Basilicate.
Sur la gauche, vous distinguez peut-être une sculpture en forme de goutte (« La goccia« ), qui est de l’artiste japonais Kengiro Azuma.
Pour profiter d’une vue panoramique sur le Sasso Barisano, je vous conseille de vous rendre sur la loggia de la Piazza Duomo (et pourquoi pas utiliser le mode panoramique de votre smartphone, pour les placer dans le cliché !)
Au nord, le Sasso Barisano
Les sassi se sont développés en gardant un lien étroit avec la roche : leur structure est en partie creusée et en partie construite.
Au sud, le Sasso Caveoso, où nous avons visité une maison-grotte historique qui remonte aux environs du début du XVIIIe siècle. La partie construite est appuyée à la partie creusée. Cette ancienne habitation troglodytique a été occupée jusqu’en 1956 et la reconstitution des différentes pièces de vie donne une idée du mode de vie de l’époque.
C’est à partir de 1952 que les politiques imposent l’évacuation de ces demeures, et les habitants furent relogés dans de nouveaux quartiers construits d’après le plan d’urbanisme de l’architecte Luigi Piccinato. A cette époque environ 15 000 personnes y vivaient dans des conditions de salubrité déplorables. Ce n’est qu’avec la mise sur la liste du patrimoine de l’humanité par l’UNESCO en 1993 qu’un nouveau programme de réhabilitation des sassi est relancé.
Le lit se composait de deux chevalets en fer qui soutenaient des planches en bois au-dessus desquelles on plaçait le grabat, matelas rempli de feuilles de maïs. Le dernier tiroir de la commode accueillait le plus souvent le plus jeune des enfants, la nuit.
Au fond de la pièce, derrière une cloison en pierre, on peut voir l’étable, à côté de laquelle se trouve une cavité qui servait de fosse à fumier. Des outils agricoles et les harnais pour animaux sont stockés en hauteur. De même, dans la paroi rocheuse de la cuisine, s’ouvrent des niches et des étagères destinées aux céramiques et récipients, les tamis pour la farine, les planches pour préparer le pain, les pâtes et la focaccia.
Storica Casa Grotta de vico Solitario – ouvert tous les jours de 9 h 30 à 19 h (avril, mai, juin) ou de 9 h 30 à 17 h (novembre à mars) – e9 h à 20 h 20 en juillet et en août – Tarif : 5 € (donne accès aussi à Neviera, Grotta naturale e Chiesa rupestre di Sant’Agostino al Casalnuovo)
Le Rotary Club a placé (il y a sûrement quelques années) quelques plaques devant certains bâtiments ; on identifie grâce à eux le palazzo Seraceno (XVIIe – XVIIIe siècles) … où l’on peut louer des appartements de vacances.
ou encore le Palazzo del Sedile avec ses deux clochers (qui ont été ajoutés ultérieurement à la construction), qui était le siège du Parlement municipal, la plus grande institution politique quand Matera faisait partie du Royaume de Naples. Son grand arc d’entrée est typiquement Renaissance et dans les niches, il s’agit de Saint-Eustache à gauche, et Sainte-Irène (à droite).
On distingue hélas assez mal ce qui est représenté au plafond de la voûte ; celles-ci célèbrent les beautés du Royaume de Naples … mais ces peintures besoin d’une bonne restauration.
Sur la via Duomo, une autre pancarte du Rotary nous signale le Palazzo Santoro du XVIe siècle, à la porte fermée depuis apparemment bien longtemps …
L’étape incontournable à Matera, c’est aussi la cathédrale de style roman apulien (XIIIe siècle), au style extérieur plutôt sobre, en pierre locale de Vaglia … Nous fûmes supris par la profusion néobaroque de l’intérieur : chapiteaux richement décorés, somptueuses chapelles, innombrables dorures … elle a été restaurée il y a peu de temps et ça se voit !
Dans quelques chapelles, on trouve des fragments de fresques du Moyen-Âge, comme le Jugement Dernier, ou la Madonna della Bruna (patronne de la ville).
Quelle beauté que cette église Saint-François d’Assise ! Sur la place centrale de San Francesco, elle est vraiment mise en valeur. Lors de notre passage se déroulait une exposition Salvador Dali à Matera, ce qui explique le piano installé sur cette place (« La persistance des contraires »). Sur la façade, on repère trois statues : l’Immaculée Conception au centre, et San Francesco et Sant’Antonio de chaque côté.
L’orgue à tuyaux se trouve au-dessus de neuf peintures à la détrempe sur bois, par Lazzaro Bastiani (XVe siècle). Celui-ci n’est pas très ancien puisqu’il a été ajouté en 1955 …
On reconnaît facilement l’église du Purgatoire, avec sa forme de mitre d’évêque … et l’on remarque des têtes de mort qui symbolisent la fonction de celle-ci. Elle fut érigée en 1747 grâce aux dons des habitants.
Chiesa del Purgatorio – Via Ridola – Ouvert du mardi au dimanche de 9 h 30 à 13 h et de 15 h à 19 h – le lundi de 15 h 30 à 19 h – Entrée libre
L’église de Santa Chiara se trouve également sur la via Ridola, une merveille construite à la demande de l’archevêque de Los Ryos en1702. Sur la façade on trouve les figures de Santa Chiara et de San Francesco, et l’intérieur et relativement sobre, avec des colonnes de style classique.
Dommage que l’église Santa Maria de Armenis ait perdu toutes ses fresques … auparavant ses murs en étaient couverts. C’est une communauté de bénédictins qui l’a fondée vers le XIe siècle, l’intérieur est très beau avec ses énormes piliers.
Avant de quitter Matera, vous voudrez peut-être acheter un cuccù, un sifflet (fischietti) en céramique, à la forme assez stylisée, aux plumes bleues, rouges et jaunes. Ils sont modelés à la main, on en trouve de plus ou moins grands dans la boutique Gepetto. Jadis prisé des enfants, cet objet est aussi un symbole traditionnel de chance et de fertilité. On trouve aussi des santons très colorés, qui sont la spécialité de la ville, et qui représentent surtout les personnages de la procession de la Madonna della Bruna, ou quelques créations en papier mâché.
Gepetto – Piazza del Sedile 19 (à partir de 6 €)
Où manger ?
À Taranto, nous avons déniché sans faire exprès une superbe adresse, une trattoria pizzeria cachée dans une petite ruelle (plat 14 €).
Trattoria-Pizzeria « Cchiù Mange e Cchiù Iesse Pacce » – Vicolo Ospizio (Citta Vecchia)
Où déguster une glace ?
À Matera, nous avons trouvé un glacier artisanal vraiment exceptionnel, vous pouvez y aller les yeux fermés ! Les « vices des anges » proposent une trentaine de parfums, certaines glaces sans ingrédients allergènes, faites avec des ingrédients de qualité qui proviennent souvent de la région, comme la pistache de Stigliano.
Pistache/Amande pour moi, Coco/Speculoos pour Maridou, ah la la on aurait bien goûté tous les parfums … quelques rares tables devant la boutique permettent de les déguster assis. On peut aussi acheter quelques pâtisseries et boissons chaudes et fraîches.
I Vizi degli Angeli – Via Domenico Ridola, n.36
J’espère que cet article vous a plu ! N’hésitez pas à relire mes autres articles sur les Pouilles, ou même l’Italie !
Une réponse sur « De Taranto à Matera »
merci pour tous tes articles sur les Pouilles, ça me sera très utile quand je pourrai enfin y aller …