Je continue mes articles sur Cracovie, et aujourd’hui nous allons explorer Kazimierz, l’ancien quartier juif de la ville. Son nom vient tout simplement du roi Casimir, qui fonda cette ville en 1335 …. mais elle fut englobée avec Cracovie en 1801. Un foyer important de population juive s’y développa à partir du XVIe siècle, et Kazimierz devint puissante culturellement et économiquement, accueillant l’élite des rabbins, et les relations que possède cette communauté permettent le développement du commerce international. Avant la seconde guerre mondiale, on dénombrait 65 000 juifs à Cracovie … mais on estime, après la Shoah et l’extermination massive des juifs par les nazis, que moins de 10% survécurent après 1945. Aujourd’hui, ils sont à peine quelques centaines à vivre ici et seule une synagogue reste en activité pour célébrer le culte.
Le Centre Communautaire Juif est un centre éducatif et culturel séculaire qui a été créé en 2008 … par le Prince de Galles ! Lors d’une visite qu’il a faite en 2002 à Cracovie et dans ce quartier précis, il a rencontré des représentants de la communauté religieuse, qui lui ont fait part du manque de lieux existants pour se retrouver, en dehors de la synagogue. Il promit de les aider et quelques années plus tard, ce centre voyait le jour ! On y tient des évènements culturels : expositions, spectacles, mais on peut aussi y prendre des cours pour apprendre l’hébreu, le yiddish, l’anglais, suivre des ateliers de danse … et j’en oublie.
Centre culturel juif – Ul. Miodowa 24 – accès libre
Un peu plus loin, nous arrivons devant la Maison Landau. C’est l’une des plus vieilles et des plus grandes maisons de pierre de l’ancien ghetto. A l’une des fenêtres, une jeune femme profitait du soleil … et il me semble que la pièce derrière elle est un lieu où on apprend la pole dance. Par ailleurs, il y a un café et la librairie juive Jarden qui sont installés ici, cette dernière organise des visites guidées sur les lieux de tournage du film La Liste de Schindler.
Voici la synagogue Tempel, construite en 1862 dans un style néoroman et dotée d’une décoration inspirée par l’art mauresque. C’est la plus récente des synagogues de Kazimierz, et elle est, avec la synagogue de Remuh, l’un des deux temples encore actifs à Cracovie, pour des évènements ponctuels comme des concerts. Elle est également dénommée « synagogue progressiste », à l’époque fréquentée par de nombreux intellectuels juifs, adeptes de la Haskala (lumière). Ce mouvement prônait entre autres l’égalité des droits, des réformes éducatives pour plus de laïcité, et un abandon de certaines traditions au profit d’une plus grande intégration de la communauté juive dans le pays.
Lors de ma visite il y avait hélas des travaux de restauration, mais j’ai pu tout de même apprécier le décor intérieur qui est très recherché. J’ai appris plus tard que pendant la seconde guerre mondiale, elle fut utilisée par les nazis comme lieu de stockage des munitions, et comme écurie. Comme vous le voyez peut-être sur la photo ci-dessous à gauche, il y a une galerie, où s’installaient les femmes pendant le culte.
Synagogue Tempel – Ul. Miodowa 24 – Tarif visite : 10 PLN
Dans le renfoncement de la cour du restaurant Ariel se trouve une autre ancienne synagogue, fondée par un riche commerçant et banquier en 1620, Wolf Popper, qu’on surnommait « la cigogne » (il se tenait sur une jambe, parfois longtemps, quand il était perdu dans ses pensées). Elle fut hélas saccagée pendant la guerre et n’est plus en activité ; c’est un centre culturel qui y est activité désormais, (qui est ouvert à la visite) ainsi qu’une librairie.
Synagogue Popper – Szeroka 16 – Entrée libre
Un incontournable de Kazimierz est la synagogue Remu’h et son cimetière. C’est certes la plus petite synagogue du quartier, mais c’est surtout la seule qui reste en activité. Elle fut fondée par Israël Isserles Auerbach pour son fils, le rabbin Moïse Isserles dit Remu’h, qui était un savant, philosophe, historien et astronome de l’époque. Elle a retrouvé son caractère religieux en 1945 après la libération.
Sur place vous constaterez que son décor est très simple ; c’était d’ailleurs à l’origine un petit temple en bois qui, après un incendie, a été reconstruit en reproduisant sa modeste structure originale.
On vient ici surtout pour voir le cimetière, qui est le plus ancien de la communauté juive à Cracovie, et l’un des plus vieux cimetières juifs en Europe. Il fut créé en 1551 et c’était le lieu de sépulture des membres les plus éminents de la communauté juive, ce jusqu’en 1800, quand les autorités autrichiennes ont décidé sa fermeture.
Il fut hélas négligé par la suite, puis vandalisé par les nazis pendant la seconde guerre mondiale, mais au début des années soixante, des fouilles ont révélé l’existence de plusieurs couches de sépultures, et plus de 700 tombes furent mises au jour. Certaines avaient une grande valeur artistique, elles furent restaurées et replacées. C’est ainsi qu’on peut constater des « doublons » : une seconde tombe avait été réalisée après guerre, car on pensait que la tombe originelle avait disparu ! On peut penser qu’elles ont été recouvertes de terre par des fidèles, pour les cacher des yeux de l’envahisseur.
Beaucoup de visiteurs viennent pour voir la tombe du rabbin Remu’h, qui fut l’une des rares épargnées par les nazis ; vous la reconnaîtrez facilement, elle est entourée d’une petite clôture et se situe juste derrière la synagogue.
Le « mur du souvenir » (je parle du mur des lamentations dans mon article sur la ville de Jérusalem en Israël) est constitué de fragments de stèles retrouvées dans le cimetière (matzevas). Il se trouve dans le mur de clôture côté rue Szeroka. Observez-les bien, vous y reconnaîtrez, parmi les inscriptions en hébreu, des ornements stylisés et fragments des symboles d’art sépulcral juif (cruche s’il s’agit d’un tombeau des Levi (l’une des douze tribus d’Israël), chandelier pour une femme, ciseaux s’il s’agissait d’un couturier …)
Synagogue Remu’h – Szeroka 4 – Entrée : 10 PLN – Pour les hommes, port de la kippa obligatoire dans la synagogue et dans le cimetière (prêtée à l’entrée) – ouvert tous les jours sauf le samedi
Vous verrez devant la synagogue une statue représentant un homme assis sur un banc : il s’agit de Jan Karski, un officier polonais qui tenta d’alerter les alliés du sort des juifs en territoires occupés, en vain.
Sur la jolie petite place qui se forme au début de la rue Szeroka se trouve l’hôtel Rubinstein (à gauche), avec une surélévation qui crée bien des discussions (je ne suis pas fan, surtout avec ces Velux), et à sa droite trois maisons, celle du milieu (la verte) est celle où est née Helena Rubinstein , autre célébrité locale.
Si le street art est complètement absent du quartier historique, ici on se mettra quelques fresques sous la dent. Par exemple, cet immense dessin sur la place Bawół. La peinture murale s’inspire du travail de l’artiste de l’époque Art nouveau Ephraim Moses Lilien.
Je n’ai pas reconnu d’oeuvres d’artistes célèbres et toutes les oeuvres ne sont pas signées … voici un aperçu des fresques vues sur place sur ce petit montage photo …
Sur la Place Nouvelle (Nowy Plac) (qu’on appelait autrefois Place Juive), on peut voir une halle circulaire édifiée en 1900 (Okraglak). De 1927 à la guerre, celle-ci fut utilisée pour l’abattage rituel casher des volailles. Je vous l’avais déjà montrée dans mon article « Cracovie gourmande », car c’est là qu’on peut par exemple acheter des zapiekanki, ce sandwich local. Mais ne loupez pas le matin le déballage qui s’y tient le matin par beau temps, avec quelques stands de brocante, livres d’occasion, vêtements vintage, anciens objets de l’époque communiste.
Il suffit ensuite d’emprunter le pont Powstańców Śląskich pour traverser la Vistule et se retrouver dans le quartier de Podgórze, à l’histoire tragique, puisque c’est de ce côté-ci du fleuve que fut déplacée la population juive, avant d’être presque intégralement décimée par l’occupant nazi. La Vistule constituait à la fin du XVIIIe siècle la frontière entre la Pologne et l’Autriche.
Sur l’ancien site de l’usine d’Oskar Schindler, nous avons visité l’exposition permanente « Cracovie sous l’Occupation, 1939-1945 ». Si l’usine est aujourd’hui en partie détruite, (l’activité était dédiée à l’émaillage de casseroles) le bâtiment qui a été édifié au même endroit permet de retracer sur trois niveaux un période très sombre de l’histoire. L’époque de la terreur que firent régner les troupes d’occupation allemandes qui s’installèrent en septembre 1939 à Cracovie y est montrée de façon chronologique mais aussi thématique.
Juste à côté, se trouve le musée d’art contemporain MOCAK, mais je ne l’ai pas visité.
Elimination de l’élite intellectuelle, création du ghetto et du camp de concentration de Plaszów, vie économique, avec bien sûr cette usine d’Oskar Schindler, chef d’entreprise rendu plus connu par le film de Steven Spielberg, organisation de la résistance et vie quotidienne difficile, … la muséographie est très réussie, en images, films et sons.
L’ensemble de la visite est particulièrement émouvante, et l’on peut voir dans cette pièce le bureau du directeur de l’usine, pièce certes anecdotique par rapport au reste de l’exposition, mais le personnage, même s’il avait des défauts, a tout de même réussi à protéger environ 1200 ouvriers juifs de son usine, les empêchant d’aller au camp d’extermination proche.
Bon à savoir : ⇒ le musée est gratuit le lundi mais ouvert de 10 h à 14 h seulement
Fabrika Emalia – Oskara Schindlera – Ul. Lipowa 4 – ouvert du mardi au dimanche de 10 h à 18 h (fermé le premier mardi du mois)
Tarif adulte plein tarif : 28 PLN
Ne manquez pas, en allant ou en revenant du musée Schindler, la place des héros du ghetto (« Bohaterow Getta« ) avec les 70 chaises en métal, qui symbolisent le départ précipité et l’absence laissée par cette population.
Si vous avez un peu de temps, pourquoi ne pas vous rendre à la mine de sel de Wieliczka, à environ 10 kilomètres au sud-est de Cracovie ? Cette mine de sel gemme, exploitée depuis le Xe siècle, est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1978.
C’est un incroyable labyrinthe souterrain, creusé depuis le milieu du XIIIe siècle pour chercher l' »or blanc » qui assura le dynamisme des finances du royaume polonais.
Au cours du « trajet touristique », on descend un escalier de 53 marches qui mène à 64 mètres de profondeur. Il faut savoir que pendant la visite on ne voit qu’une infime partie des quelque 300 kilomètres de galeries ! C’est environ 3 kilomètres que vous parcourrez avec le guide (pour info, la galerie la plus profonde est située à 327 mètres !). On y voit 22 chambres, reliées entre elles par des galeries, des chapelles souterraines et des petits lacs artificiels. Il est intéressant d’y constater aussi l’évolution des méthodes d’extraction du sel dès le XVIIe siècle jusqu’au XXe.
Les galeries, soutenues par endroits par de nombreux troncs d’arbres, sont impressionnantes. A gauche, la statue de l’enfant du pays, Nicolas Copernic, cet éminent astronome polonais qui aurait visité la mine étant étudiant. Celle-ci commémore le 500ème anniversaire de sa naissance (en 1973).
Ci-dessous, voici la chambre Janowice, qui date de la première moitié du XVIIe siècle. Ce n’est qu’en 1967 qu’on y a installé ces six statues grandeur nature (sculptées dans le sel par Mieczyslaw Kluzek) ; elles racontent la plus belle des légendes de Wieliczka, la découverte du sel gemme en Pologne.
Au niveau III, voici la chapelle Saint-Jean (qu’on appelle aussi chapelle de la Sainte-Croix) ; c’est sans doute la plus belle des chapelles de la mine, avec son décor de bois. Elle est décorée d’une peinture polychrome qui représente la Sainte-Trinité.
Il est conseillé d’opter pour une excursion organisée au départ de Cracovie (il faut compter une demi-journée, temps de transport inclus). Si vous préférez y aller par vos propres moyens, il faut prendre un mini-bus rue Pawla (non loin de la gare ferroviaire), qui vous dépose près de l’entrée de la mine (attention ce n’est pas son terminus).
J’ai trouvé que le clou du spectacle c’était cette chapelle Sainte-Kinga, qui est immense (elle a été fondée en 1896 dans un endroit formé après l’extraction d’un énorme bloc de sel vert). Ce sanctuaire souterrain somptueux est organisé comme une église, avec plusieurs chapelles sur les côtés. Les immenses lustres accrochés au plafond sont décorés de cristaux de sel sont un élément important de la décoration de celui-ci. De nombreuses sculptures et bas-reliefs s’y trouvent, complétant le lieu au fil des décennies. Le principal exécuteur des travaux d’architecture fut Józef Markowski entre 1895 et 1920, il est notamment l’auteur du maître autel et la chaire, et d’autres sculptures. C’est ensuite Antoni Wyrodek, sculpteur autodidacte, qui a complété la décoration et produit plusieurs bas-reliefs. On y célèbre le culte catholique chaque dimanche matin, mais aussi à l’occasion d’évènements exceptionnels comme la fête de Sainte-Kinga le 24 juillet, la fête de Sainte-Barbe le 4 décembre ou pour la messe de minuit le 24 décembre.
Différents parcours et tarifs : « trajet touristique » à heures fixes (se renseigner sur le site) – durée 3 heures au prix de 100 PLN pour une visite en français et il faut acheter vos billets à l’avance (ce qui n’est pas le cas pour les visites en polonais ou en anglais). Le « parcours minier » a la même durée et le même prix mais il nécessite une bonne condition physique : habillé et équipé comme un mineur, vous êtes invité à descendre dans les profondeurs du puits Régis et à prendre part aux tâches qui vous seront confiées, à la seule lueur de votre lampe !
Bon à savoir ⇒ prenez des chaussures confortables et de quoi vous couvrir (la température est d’environ 15 degrés)
Infos ici : https://www.minedeselwieliczka.fr/
J’espère que cet article à rallonge vous a plu … j’étais vraiment ravie de découvrir Cracovie et je vous conseille chaudement de venir visiter cette jolie ville de Pologne. N’hésitez pas à revisionner mes stories Instagram ! (argone69)
Ce voyage fait suite à une invitation de Transavia et l’Office National du Tourisme de Pologne. Les choix éditoriaux des articles qui font suite à ce voyage me reviennent librement.
Transavia
Site Web : https://www.transavia.com/
Office National du Tourisme de Pologne
Site Web : https://www.pologne.travel/fr
3 réponses sur « Cracovie : l’ancien quartier juif »
Merci pour la découverte, j’espère y aller un jour …
sympa ce quartier, le musée Schindler doit être émouvant
oui, c’est vrai, mais moins que les camps de concentration …