En complément d’un voyage à Leipzig, je vous recommande de visiter la ville de Halle (où se trouve d’ailleurs l’aéroport), à 170 kilomètres au sud-ouest de Berlin. Après avoir visité le centre ville historique, j’ai cassé les pieds de la famille pour aller à l’est de la gare, à Freiimfelde, où se trouvent de nombreuses oeuvres de street art , sur environ 952 murs.
C’est à l’initiative de l’ Open Space Gallery ou Freiraumgalerie en allemand que cette zone presque à l’abandon, avec de nombreux logements inoccupés et une mauvaise réputation, a connu une renaissance inespérée.
En effet, depuis la réunification, de nombreuses villes de l’ex-RDA (Allemagne de l’Est) subissent un déclin sérieux, en particulier de leur industrie, car les usines n’ont plus les commandes importantes venues du bloc soviétique ; on peut citer par exemple Bremen, Sonnenberg ou Chemnitz. Nous l’avions d’ailleurs constaté à Leipzig en visitant les anciennes usines de filature, ou centrale électrique, transformées en partie en galeries d’art. Halle est passée de 310 000 habitants en 1990 à 239 000 aujourd’hui, une chute de 23%. Cette zone construite au début du XXème siècle avaient un taux d’inoccupation d’environ 40%, il faut dire qu’elle est séparée du centre ville par une autoroute et la voie ferrée … Il y a quelques dizaines d’années pourtant, ces habitations proches des anciens abattoirs, fermés peu après la réunification, étaient assez convoités.
Pendant le festival All You Can Paint en 2012 et 2014 , de nombreux artistes sont venus ici et ont changé l’aspect des murs … Philipp Kienast et les autres membres du collectif regroupant artistes et urbanistes ont beaucoup oeuvré dans cette métamorphose, en impliquant aussi les riverains et les enfants, créant même un centre de quartier où tout le monde se retrouve. (il y a aussi un « Hall of fame » où tout le monde peut s’exprimer, peut graffer)
La Freiraumgalerie est toujours très active et a relooké plusieurs grandes barres d’immeubles entre 2018 et 2019, transformant complètement la cité de Plattenbau dans le cadre d’un grand projet de rénovation, quatre immeubles de onze étages, soit une surface totale à peindre de 8000 m² ! C’est une initiative rendue possible par la collaboration entre la galerie d’art et la coopérative immobilière HWG, et représente un budget de 7 millions d’euros. Les habitants de ces tours (certains vivant là depuis quarante ans) ont été impliqués, les artistes leur demandant de prendre des poses pour s’en inspirer dans leurs créations.
La première fresque que nous voyons est visible d’assez loin, elle est de LakeOner et a été peinte en 2012, résistant finalement assez bien aux intempéries. Vous avez peut-être déjà vu son travail à Berlin , où il est très actif. Dommage que son site n’ait pas une version en anglais 🙁 On y voit des personnages passés à la moulinette, transformés en ce qui ressemble à des macaroni ! Il a réalisé une deuxième fresque à un angle de rues, dans le même quartier.
On retrouve LakeOner mais aussi Ronny Sonnenberg sur le décor de ce bâtiment abandonné … je me demande quelle était sa fonction initiale. Il a des airs de forteresse ou de château avec cette tourelle d’angle.
Voici une scène amusante et décalée : ici, Paulo Ito, artiste brésilien, a reproduit la Cène avec Jésus et ses apôtres … en ajoutant des détails contemporains comme les smartphones, dont se servent abondamment les convives pour prendre des selfies ou photographier leur assiette. Ses oeuvres sont toujours assez cyniques ou ironiques, critiques de notre société.
Peinte la même année, en 2014, le dessin de Julia Yu-Baba titré « Dreadlocks » est toujours en excellent état car située dans un passage d’immeuble qui est abrité. Diplômée d’architecture, cette jeune artiste née en Biélorussie vit maintenant à New York où elle expose aussi en galerie, comme la prestigieuse Saatchi.
L’oeuvre d’ Alexandre Keto a un peu souffert avec le temps … c’est dommage, mais le street art est éphémère n’est-ce pas ? Cet artiste brésilien engagé peint souvent des personnages africains ; il est brésilien et vit toujours à Sao Paulo. Un peu plus bas vous verrez une de ses oeuvres plus complète en photo.
Une de mes fresques préférées est celle réalisée par l’artiste mexicain Farid Rueda , venu ici en 2015. Son ours décomposé en multiples parties de toutes les couleurs est magnifique …
J’avais déjà vu des oeuvres d’ ETAM Cru à Ostende, il signe là un dessin poétique représentant un lapin sortant d’un chapeau de magicien, un poisson sortant de son bocal, un univers inspiré de la magie, assez étrange. Artistes et designers freelance, Przemek Blejzyk aka Sainer et Mateusz Gapski aka Bezt sont tous les deux diplômés de l’académie des Beaux-Arts de Lodz et sont les fondateurs de cette équipe de choc, ils vivent à Varsovie en Pologne. Leurs oeuvres sont en générales gigantesques, couvrant plusieurs étages d’immeubles, mais ils s’expriment également sur des toiles acryliques. Située sur Landsberger Strasse, la fresque a été réalisée en 2012.
Le collectif allemand EHW Crew a aussi peint cette façade en 2012 lors de la première édition du festival All you can paint. Je ne sais pas si ce dernier est encore actif, je n’ai pas trouvé d’informations récentes sur celui-ci. Le dessin représente un clown chapeauté manipulant des marionnettes, et des bonshommes s’affairant autour d’une échelle.
Trois artistes du collectif Klub7 ont réalisé cette fresque monumentale et graphique en 2014 (« Easy« ), cette fois-ci sur un immeuble qui semble neuf, ou en bon état en tous cas ! Ce collectif est actif à la fois sur Halle mais aussi à Berlin ; détail amusant, ce dessin avait déjà été réalisé pour une expo à Lyon, en taille bien plus réduite (2 x 3 mètres).
Portrait d’un(e) inconnu(e) …
J’ai été bluffée par la maîtrise technique de ce portrait, avec ces multiples coups de spray entrecroisés, comme des coups de crayon d’un dessin sur le papier. Martin Bender est allemand (il vit à Hagen, en Rhénanie du Nord) et a participé à des évènements pretigieux comme WideWalls en Suisse, mais il expose aussi régulièrement en galerie. On le connaît pour ses portraits, notamment ceux de Chilly Gonzales et de Grace Jones ; partant d’un brouillon sur papier, qu’il réalise avec différentes techniques, qu’il retouche ensuite sur Photoshop et va lui servir de modèle pour peindre sur le mur, principalement au spray.
Nous retrouvons ici Alexandre Keto, au rez-de-chaussée de cet immeuble un peu délabré mais qui semble être restauré petit à petit. Il semble qu’une partie de la fresque a disparu … j’aime beaucoup son trait un peu naïf.
Un personnage masqué avec des cornes Sabek s’étale sur toute la façade de cet immeuble visiblement inoccupé, aux fenêtres condamnées. Intitulée « Last breath » ou « dernier souffle », elle est représentative du style de cet artiste espagnol originaire de Madrid. Il est présent partout dans le monde, et a notamment participé récemment en France au LaBel Valette festival à Pressigny-les-Pins.
A gauche : Hendrik « ECB » Beikirc (originaire de Kassel mais vivant à Coblance en Allemagne) , un as du portrait, visiblement … il peut se targuer d’avoir peint le plus grand mur d’Asie, à Busan en Corée du Sud, un portrait d’un vieux pêcheur de 70 mètres de haut / A droite : Luca Di Maggio , comme son nom l’indique …. italien originaire de Milan. S’il a peint pas mal de sujets à vélo dernièrement, ce n’est pas le cas ici … il a peint dans d’autres villes en ex-Allemagne de l’Est, à Berlin ou encore à Chemnitz ou Leipzig.
Sur le pignon d’un immeuble qui semble en bon état, Tika Thek a peint ce raton laveur à l’oeuf d’or (« Waschbär mit dem goldenen Ei« ) en 2014. Cette artiste suisse, mais qui a fait ses études en Allemagne, de son vrai nom Maja Hurst, est autodidacte et mélange dans son univers visuel formes graphiques et animaux ou objets. Elle aime expérimenter avec des outils et des textures différentes (linogravure, pochoir, fer à souder, bombes de peinture, plumes à encre …)
Marina Zumi est née en Argentine, mais elle vit à Berlin. Ce « honeycomb of life » a fait la une de nombreux sites artistiques car cette grande ruche multicolore aux mutliples nids d’abeille attire le regard … Après une formation de styliste de mode, elle a finalement cédé à l’attraction de la peinture et réalisé ses premiers graffiti à Buenos Aires en 2006. Son travail s’inspire de la nature, flore et faune, la philosophie zen … pour nous donner une bouffée d’air dans l’environnement urbain.
C’est il me semble l’artiste le plus connu de tous dans ce quartier, Pixel Pancho et ce couple irréel, comme toujours mi humain mi robot. Ce turinois a été initié à la peinture dès son plus jeune âge par son grand-père, puis a confirmé cette passion en obtenant son diplôme de l’Académie des Beaux-Arts à Valencia en Espagne. Il est très demandé, que ce soit à Paris, Amsterdam ou encore Wynwood à Miami .
Pour consulter la carte des oeuvres visibles dans la ville de Halle, je vous conseille de rendre visite au site ci-dessous. N’hésitez pas à épingler aussi l’image pour conserver l’article dans vos tableaux Pinterest !
FREI RAUM GALERIE
Site Web : https://www.freiraumgalerie.com/urban-art/?lang=en
7 réponses sur « Street art à Halle »
trop belles ces fresques, je ne connaissais pas cette ville, c’est où en Allemagne ?
Halle (ou Saale en allemand) se trouve dans l’Est, pas très loin de Dresde …
Certains murs sont impressionnants ! j’adore ta photo en fin d’article avec la chaise longue géante lol
T’as bien fait de casser les pieds à ta famille, ces oeuvres egayent le quartier (l’ours de rueda aurait certainement été mon préféré aussi, sacré travail de décomposition ! )
je suis que ça te plaise, Fabien !
De très belles oeuvres, c’est toujours impressionnant le street art !
c’est mon dada !