Aujourd’hui je vous propose une plongée dans l’âge d’or breton du XVIème et XVIIème siècle, à travers la visite de quelques enclos paroissiaux du Finistère . Notre séjour en Bretagne nous a permis de les découvrir, et cette richesse architecturale nous a subjugués. Je ne vous en montre ici que trois, mais à vous de découvrir les autres, répartis dans tout le nord du département.
C’est la culture et le tissage du lin et du chanvre qui a permis la construction des enclos paroissiaux en Bretagne du fait des revenus très importants que cette activité générait.
Mais qu’est-ce qu’un enclos paroissial ? C’est un ensemble religieux, composé de différents éléments : une église bien sûr (où l’on peut voir souvent des retables richement décorés), mais aussi un calvaire, un ossuaire, une porte monumentale. Il y avait sans aucun doute surenchère et rivalité entre paroisses, pour avoir le plus beau, le plus imposant enclos ! Il y en a de plus en plus, à tel point qu’un décret royal finit par interdire en toute nouvelle construction religieuse « sans nécessité » 😀
D’où venait cette richesse me direz-vous ? A l’époque (nous sommes au XVIe siècle), les affaires étaient prospères dans la région : en effet, le commerce du lin et du chanvre bat son plein dans cette province, des matériaux utilisés pour fabriquer les voiles des navires, mais aussi des vêtements ou des cordages. Le soutien financier venait aussi des seigneurs ou les notables des fabriques. Hélas les taxes mises en place par Colbert vont donner un coup d’arrêt à ce développement, et les toiles de lin de Léon se vendent moins bien aux anglais … restent tout de même ces magnifiques témoignages que nous ont laissés les meilleurs artistes et artisans de l’époque.
Je n’ai pas vu TOUS les enclos paroissiaux du Finistère, mais nous allons nous concentrer ici sur trois d’entre eux : Commana, Guimiliau et Saint-Thégonnec.
Commana
C’est dans cette commune que nous faisons notre premier arrêt, sous un ciel bleu occupé parfois par quelques nuages. Commana a obtenu en 1989 le label « Communes du patrimoine rural de Bretagne » pour la richesse de son patrimoine architectural et paysager. Nous entrons par la porte méridionale, surmontée de trois lanternons, non sans admirer les hortensias en fleurs le long du mur d’enceinte … et le clocher pointu assez sobre, haut de 57 mètres.
L’ossuaire, (on devrait dire « chapelle reliquaire ») près de la porte d’entrée de l’enclos, a une façade très dépouillée, avec quatre ouvertures en plus de la porte. On notera que devant chaque fenêtre il y a un bénitier (on y a installé quelques fleurs actuellement). Les gargouilles sont par contre de style gothique ; en cherchant bien on trouve trois dates ici ou là : 1677, 1686 et 1687.
Sous le porche, les niches, séparées par des colonnettes ioniques, prévues pour les statues des apôtres sont vides … mais on n’a pas de certitude sur leur existence passée. L’auteur des sculptures est sans doute Roland Doré. Elles forment une haie d’honneur menant à deux portes séparées d’un trumeau avec un bénitier.
Commana a la particularité d’avoir deux calvaires l’un est aussi signé de ce sculpteur, en 1624. Les matériaux sont extraits des carrières toutes proches, l’ardoise de montagne et le granit de Plounéour-Ménez.
Dans l’église, consacrée à Saint-Derrien (qui vécut au IVe siècle), on se rattrape en se pâmant devant les superbes rétables présents ici : d’abord le rétable des Cinq Plaies, qui représente au centre le Christ ressuscité, qui montre ses plaies, alors que deux anges le couronnent de fleurs.
Le retable de Sainte-Anne était hélas privé de ses deux personnages centraux, Anne et Marie de part et d’autre de Jésus. Elles étaient sans doute parties en restauration, mais je tenais à vous montrer la richesse du décor de ce retable. Imposant par ses proportions (huit mètres de largeur et six mètres de hauteur), il est le plus spectaculaire de Bretagne avec une profusion de guirlandes, de boiseries rouge, brun et or, un des plus beaux exemples baroques du XVIIe siècle. Certains sculpteurs de la Marine de Brest mettaient bien volontiers leurs talents au service des riches paroisses toilières, entre deux chantiers. Ce retable a semble-t’il été créé pour se faire pardonner des actions des Bonnets rouges, qui en été 1675, en colère à propos de la Gabelle, demandent des comptes au recteur de la paroisse. Ils boivent les deux barriques de vin du presbytère, molestent le curé, mais les riches paysans toiliers lui demandent de revenir en lui promettant de doter son église du plus beau des retables … ce fut chose faite !
Toutes les nefs sont lambrissées en berceau (ici peinte en bleu), ce qui apporte un peu de légèreté à l’ensemble réalisé en granit.
Voici un petit aperçu de l’autel dans la nef centrale, le baptistère qui est orné de ce superbe médaillon, et un détail d’une des broderies représentant les apôtres.
Impossible pour moi de ne pas glisser une autre photographie des hortensias bretons … du rose au bleu, je les aime trop !
Guimiliau
C’est dans ce petit bourg que vous pourrez visiter le Centre d’Interprétation des enclos paroissiaux. Il vous donnera une vue d’ensemble et une compréhension du contexte historique, religieux, architectural de ceux-ci, alors pourquoi ne pas commencer par Guimiliau si vous avez prévu d’en voir plusieurs ?
Voici le porche méridional (1606-167) richement sculpté, derrière lequel on devine sur cette photo les sculptures alignées le long du mur. Un peu plus bas un autre cliché vous permet de mieux les voir.
Le calvaire monumental en granit est impressionnant, avec ses nombreux personnages (deux cents tout de même !) autour de la croix. Les scènes reproduites sur les calvaires ou les retables permettent aux fidèles illéttrés d’apprendre ou se remémorer l’ancien et le nouveau Testament. Pour la petite histoire, ce n’est pas le même sculpteur qui a réalisé les scènes au premier et au deuxième niveau : au deuxième, les personnages sont en mouvement pour représenter la Passion, tandis qu’au premier, on représente en toute sobriété la vie de Jésus, de l’annonciation à la résurrection. D’ailleurs, sur la plateforme, un prédicateur pouvait monter pour commenter les différentes scènes. A son pied, les habitants déposaient des offrandes, nécessaires au financement des travaux.
En levant la tête on voit cette énorme poutre de gloire (il y en a peut-être deux d’ailleurs, l’une sur l’autre) qui est sculptée, de frises, d’anges, de motifs floraux. Je n’ai guère trouvé de renseignements sur ce décor, mais apparemment il y a des poutres encore plus belles (car elles sont peintes) dans l’enclos paroissial de Lampaul-Guimiliau.
Cette photo vous donne un aperçu d’une des nefs latérales, et de la chaire.
Contrairement à d’autres église, les apôtres sont bien présents dans les niches prévues à cet effet, dans une décoration Renaissance (colonnes, frontons, lanternons …) d’une grande qualité, grâce à l’emploi quasi intégral du kersanton et au talent de deux sculpteurs … l’un anonyme, et l’autre, dont je vous ai déjà parlé : Roland Doré.
La chaire en bois sculpté de 1673 n’a pas les belles couleurs de celle de Saint-Thégonnec (voir en fin d’article), mais elle est très travaillée, avec de nombreux détails et quatre évangélistes et quatre docteurs de l’Eglise. A droite ci-dessous c’est le retable du Rosaire, de style baroque ; au centre, on reconnaît la Vierge entourée de Saint-Dominique et Sainte-Catherine de Sienne. Ne manquez pas les autres retables, comme le retable Sainte-Anne, le retable de Saint-Laurent ou celui de Saint-Jean Baptiste.
Lors de notre passage la chapelle-ossuaire était hélas fermée, c’est dommage. Elle date du XVIIe siècle, et contient un autel d’une ancienne chapelle ruinée.
Centre d’interprétation des enclos paroissiaux – ouvert du lundi au vendredi de 9 h 30 à 12 h et 13 h 30 à 17 h – gratuit
Saint-Thégonnec
Située entre mer et monts d’Arée, Saint-Thégonnec a été la paroisse la plus riche à l’époque de la prospérité des toiles de lin. Cette prospérité s’est prolongée jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, bien plus longtemps qu’ailleurs. En effet, en 1710, l’ouverture du marché espagnol a donné un petit coup de boost à l’activité de fabrication et commerce du lin.
Durant toutes ces années, et en particulier au 17ème siècle, l’église « Notre Dame de Saint-Thégonnec » a été agrandie, surélevée, embellie. C’est le symbole de l’orgueil paroissial à son paroxysme.
L’église actuelle, bâtie à l’emplacement de la première église, appartient à plusieurs époques architecturales échelonnées de 1520 à 1667 environ. C’est le clocher qui est l’élément le plus ancien puisqu’il date de 1563.
L’ ossuaire ou chapelle funéraire était hélas fermé à la visite, mais seule son architecture extérieure Renaissance vaut le coup d’oeil ! De face, on remarque les six fenêtres et une porte cintrée, au dessus de laquelle se trouve un fronton triangulaire qui abrite une statue de Saint-Paul Aurélien … (regardez bien, il tient en laisse le dragon qu’il aurait capturé sur l’île de Batz !). Pas d’ossements dans l’ossuaire, mais il servait de reliquaire, et on peut y admirer un trésor composé de différents éléments.
A l’extérieur, le calvaire, élevé en 1610, est composé de nombreux personnages qu’il est intéressant de détailler. Il illustre la passion et la résurrection du Christ. La plateforme est surmontée d’une croix à deux traverses portant des personnages (sur ma photo, le Christ aux outrages, par Roland Doré), avec de chaque côté une croix plus simple (pour les larrons).
Dans l’église, j’ai remarqué cette singulière niche à volets du XVIIe siècle représentant une Vierge de l’Apocalypse, entourée de l’arbre de Jessé, qui porte les ancêtres royaux du Messie sur ses branches. Sur les volets sont représentés six mystères joyeux.
Une autre niche similaire se trouve à l’intérieur, mais qui représentent différentes étapes de la vie du saint (Thégonnec).
La chaire est loin d’être sobre, avec de nombreuses frises sculptées et personnages. En bas, vêtues d’or, on peut y voir des figures féminines représentant les vertus cardinales. Sur les panneaux carrés, sont représentés les évangélistes. Dans la chaire, entre les caryatides, dans un médaillon ovale, c’est Moïse recevant les tables de la loi.
Sur le « toit de la chaire », angelots, festons, et au sommet, l’ange du jugement … quelle allure n’est-ce pas ?
Regardons en détail la balustrade, richement ornée également, cette fois-ci des Docteurs de l’Eglise : ils sont quatre : Grégoire, Ambroise, Augustin, Jérôme.
Pour la petite histoire, l’église a bien failli brûler complètement en 1998, suite à un jeu stupide d’enfants non surveillés, qui s’amusaient à renverser des cierges allumés sur l’autel, à l’aide d’un pistolet à eau. Un des cierges tombés mis le feu à la nappe sur l’autel, mais après l’avoir éteint, les adultes n’ont pas pensé que certaines étincelles s’étaient glissées entre les lames de l’estrade. Toute la nuit le feu couve, et à l’ouverture des portes le lendemain matin, il embrase la partie nord de l’église. La toiture est éventrée, une partie du mobilier religieux est calciné, dont le superbe retable de Notre-Dame-du-Vrai-Secours, la patronne de la paroisse.
C’est un long (et coûteux) travail de restauration qui a dû être réalisé, qui nous permet de retrouver cet édifice religieux encore plus beau … Il a fallu six ans pour cela, merci aux architectes et ouvriers des Monuments Historiques, qui ont permis une réouverture en juin 2005.
Les vitraux représentent des scènes de la vie de Jésus-Christ par Jean-Louis Nicolas (de Morlaix). Sur la photo à droite ci-dessous, l’ autel du Rosaire (qui se trouve à gauche du choeur) qui se décompose en trois niveaux et représentent des scènes différentes comme la donation du rosaire à Saint-Dominique et Sainte-Catherine de Sienne, la présentation au Christ d’une âme du Purgatoire, ou des statues de Saint-Louis et de l’ange gardien.
(à voir aussi, l’autel du Saint-Sacrement (à droite du choeur), et l’autel de Notre-Dame-du-Vrai-Secours (celui qui a brûlé).
Voici un article qui sort un peu de l’ordinaire, mais je tenais à vous faire découvrir ces édifices religieux si riches et particuliers ! Si tu l’as aimé et souhaites le conserver, tu peux épingler cette image sur Pinterest !
Si vous avez davantage de temps que moi en Finistère, je vous recommande d’aller voir les enclos de Pleyben, La Martyre, La Roche Maurice, Lampaul-Guimiliau, Plougouven. La région du Léon en nord Finistère compte plus d’une quinzaine d’enclos paroissiaux, donc vous avez l’embarras du choix !
TOUT COMMENCE EN FINISTERE
Site Web : https://www.toutcommenceenfinistere.com
TOURISME BRETAGNE
Site Web : https://www.tourismebretagne.com
4 réponses sur « Les enclos paroissiaux en Finistère »
Ravie de découvrir ces opulents enclos grâce à tes magnifiques photos !
oh je rougis ! merci Jacquie pour ton commentaire 🙂
Très bel article sur un département cher à mon coeur, le Finistère
Ton article me donne encore plus envie de découvrir ces lieux qui ont l’air magique! Je garde ton article bien au chaud pour une prochaine excursion (très bientôt je l’espère) dans le Finistère!