Tréguier

J’arrive à Tréguier pour une nouvelle étape de mon parcours en Côtes d’Armor et le soleil m’accompagne encore, pourvu qu’il reste encore un peu ! J’ai rendez-vous sur les bords du fleuve Jaudy, et comme je suis un tout petit peu en avance je m’arrête pour prendre cette photo du pont à arc « Le Canada », qui date des années 1950.

Je rejoins ma guide de l’office du tourisme devant un bâtiment quelque peu atypique, réaménagé par l’architecte Philippe Le Moal : c’est en effet là qu’on réparait les locomotives de l’ancien « P’tit train des Côtes du Nord », qui desservait le sud des Côtes d’Armor entre 1905 et 1956 ). En 2006 Alan et Bertrand Salomon créent leur brasserie et choisissent de produire une bière de type abbaye, refermentée en bouteille et brassée par infusion, d’abord à Minihy-Tréguier, puis ici. C’est la cinquième brasserie de Bretagne, les plus gros vont se réunir pour créer une malterie car pour l’instant ils achètent le malt à l’extérieur, ce qui est dommage !

Le secteur est très actif car une première houblonnerie a ouvert à Guingamp, qui fera sa récolte cette année. A l’heure actuelle Philomenn produit de la bière blonde, blanche et rousse.

La dame qu’on voit sur les étiquettes des bouteilles est en fait leur arrière grand-mère : Marie-Louise, mère de Philomenn. Elle porte la toukenn, coiffe traditionnelle du Trégor, faite de tulle.

Je repère quelques peintures, des artistes de Saint Brieuc comme Averi et Lefevre J …

A gauche ci-dessous : l’ancienne chaudière d’alambic charentais ; ils ont récupéré d’autres matériels ici ou là, comme des anciens tanks à lait.

Les briques dans le mur ont été conservées, elles proviennent des tuileries de Saint Ilan (ou briqueterie), hélas fermées maintenant, mais où se trouve un musée.

Le fameux nectar n’est pas disponible en grande surface, mais vendu aux restaurants, aux magasins de produits régionaux, mais comme ce nouveau lieu accueille clients et visiteurs, on peut goûter la bière au bar sur place et aussi repartir avec bouteilles et canettes 🍺

Tréguier est une ville pleine de charme car elle a gardé de magnifiques maisons à pans de bois , c’est en partie ce qui lui vaut le statut de petite cité de caractère .Cette appellation ou label touristique est décerné par une association créée en Bretagne en 1975 et qui a labellisé plusieurs dizaines de villes et villages à ce jour, dans la France entière.

Mais c’est aussi grâce à son histoire que la cité est connue : c’est au VIème siècle que le moine gallois Tugdual mouille l’ancre dans le Val Trécor. Il y fonde un monastère nommé Landreger. Ce moine est à l’origine de l’évêché de Tréguier, puisqu’il était investi par le roi Childebert 1er, de fonctions épiscopales.

L’agglomération va vite se développer et devenir un passage obligé car elle fait partie du pélerinage aux sept saints fondateurs bretons, le Tro Breiz.

Elle subit guerres et invasions, mais dès le XIVème siècle elle devient une ville hautement culturelle, c’est par exemple une des premières villes de France où l’on a imprimé des livres ! En parallèle l’activité de commerce maritime y était florissante.

L’une des plus imposantes maisons est d’ailleurs la maison natale d’ Ernest Renan , écrivain et philosophe du XIXème siècle. Celle-ci a été transformée en musée, consacré à sa vie et son oeuvre.

On retrouve Ernest Renan sur la place du Martray, (où se déroule le marché) avec à sa droite la déesse Pallas Athéna. Son inauguration en 1903 avait causé pas mal de remous, car son ouvrage « la vie de Jésus » était rejetée par les autorités catholiques. Renan était aussi assez proche des théories de Darwin … et la cérémonie d’inauguration de la statue finit en bagarre entre cléricaux et anti-cléricaux, malgré un imposant service d’ordre.

Le clan des cléricaux, opposé à la mise en place de cette figure, obtint un « calvaire de réparation« , qui se situe tout près du restaurant l’Aigue Marine, sur les quais. Il fut financé grâce à une souscription nationale et fut inauguré l’année suivante. En voici un aperçu … lors de mon passage (le soir) la grille qui y donne accès était fermée, m’empêchant de le voir de plus près. En pierre de Kersanton, il représente la crucifixion du Christ, notez Saint-Yves, qui se trouve sur le socle, entre le riche et le pauvre. Date de son inauguration ? le jour de la Saint Yves, un 19 mai !

Tréguier ne manque pas de cafés et restaurants dont les terrasses accueillent les consommateurs aux beaux jours. Pour rapporter un souvenir artisanal breton, pourquoi pas un joli santon de chez Element’Terre ? Cette association de quatre céramistes vend ses créations ici, et ont des styles très différents. (santons de Céline de la Fouchardière-Esnée)

Element’Terre – 6 rue Renan

Avant de visiter la cathédrale, je m’arrête devant cette sculpture qui sort un peu de l’ordinaire : vous serez sans doute surpris quand je vous dirai qu’il s’agit d’un Monument aux morts. La plupart du temps ils ont l’apparance d’une dalle verticale où sont énumérés les noms des disparus. Ici le sculpteur Francis Renaud a choisi de représenter l’émotion et la douleur, sous la forme de cette femme vêtue de la mante traditionnelle des veuves, et la coiffe « toukenn« , dont je vous ai parlé plus haut. Cette « douleur » (appelée aussi « la pleureuse ») fut installée en 1922, en hommage aux morts de la guerre de 1914-1918.

Je vous ai parlé plus haut de Saint Tugdual, le moine qui a créé en quelque sorte la ville en y installant un monastère. L’autre personnage phare de Tréguier c’est bien sûr Saint-Yves, qui y est né en 1283. Cet avocat et juge, Yves Helory, était connu pour son esprit de justice, il défendait les pauvres, les veuves, les orphelins, …. il est devenu le patron des Bretons et des avocats. On lui rend hommage le troisième dimanche de mai, au cours de processions qui rassemblent de nombreux fidèles (on appelle cela le « pardon »).

En granit gris et rose, la cathédrale est vraiment magnifique. La nef et le choeur gothiques datent de 1339 et 1400.

A gauche ci-dessous, le tombeau de Saint-Yves, fort imposant et recherché, pas sûr que cela aurait plu à celui-ci, si humble.

Les superbes voûtes peintes de la cathédrale, qui est une des plus belles de Bretagne.

Sur un des murs, voici les portraits des quatorze derniers évêques de Tréguier, jusqu’à la Révolution :

La particularité de la cathédrale réside dans ces stalles en bois de chêne du XVIème siècle, dont certaines dépeignent des personnages dans des postures équivoques (des postures). On y voit des scènes fantastiques, des animaux (quelques dragons léopards, singes … , ou des formes végétales. Certaines représentaient des « sodomites » et furent purgées au XVIIème siècle, mais heureusement elles furent mises à l’abri chez des habitants. Je n’ai pas pu voir les plus « scatologiques » car la zone était interdite à la circulation lors de mon passage. (cherchez les stalles numéro 5, 14 et 18 si cela vous intéresse). J’ai pu prendre néanmoins en photo cette stalle qui représente un homme sauvage héraldiques, au corps couvert de fourrure (seuls ses mains et ses pieds sont imberbes), tenant une espèce de massue à la main gauche, et le haut d’un blason à la main droite … avec son nez large, il fait vraiment peur !

Je suis ensuite allée voir le cloître, auquel on accède par le bras nord de la cathédrale, et son implantation dessine un trapèze. Au centre, mon regard est attiré par cette croix en granite, qui s’avère venir de Keralio, à Plouguiel. Lors de mon passage des oeuvres d’art étaient disséminées dans le jardin et les allées, pour une exposition « lier les mondes » par Annelise Nguyên et Corinne Guénot.

De nombreux gisants et pierres tombales datant du XVème au XVIIème siècle, sont exposés, sous la superbe voûte en bois. Ses 48 arcades de style gothique flamboyant sont magnifiques, et comme le cloître a été construit dans un temps (relativement) court (18 ans), il y a une belle unité d’ensemble dans celui-ci, ce qui n’est pas toujours le cas. C’est en outre le seul cloître de cathédrale en Bretagne, qui servait au recueillement des chanoines comme à l’accueil des nombreux pèlerins qui venaient voir le tombeau de Saint Yves … et il servait également de marché couvert.

Je n’avais pas le temps cette fois-ci, mais si vous êtes sur place, allez voir la Chapelle des Paulines (entrée libre), restaurée récemment.

Cathédrale Saint-Tugdual – cathédrale : entrée libre – Tarif 2 € pour le cloître + 2 € pour le Trésor * Attention le cloître n’est ouvert que de début avril à début novembre *

Au pied de la cathédrale, j’ai ensuite poussé la porte d’une ravissante boutique-atelier : YS PARIS. J’y ai fait la connaissance de Delphine Le Poupon , qui travaille la nacre des coquilles d’ormeaux bretons pour en faire naître des bijoux et autres accessoires raffinés. Avec sa soeur Audrey, elle transforme ces coquillages en des créations uniques.

Leur matière première est locale : en effet les ormeaux viennent principalement de Plouguerneau dans le Finistère et de l’île de Groix dans le Morbihan, des fermes d’élevage. Il arrive aussi que des particuliers leur en apportent.

Le travail de la coquille d’ormeau dégage pas mal de poussière, il est important de se protéger à l’aide de lunettes et d’un masque. Ci-dessous à droite un détail d’une des créations d’YS Paris.

C’est une reconversion totale effectuée en 2016, et une formation d’ « artisan nacrier » suivie en Saône-et-Loire (seulement trois exercent en France) qui donne le jour à une aventure fantastique : YS Paris. Je les félicite d’avoir choisi de s’installer dans ce local, une démarche qui les rapproche du public, local ou de passage, qui adore les voir travailler dans l’atelier, au cours de démonstrations.

Voici les outils avec lesquels elles découpent, poncent, gravent ou polissent ce trésor local qu’est l’ormeau ; ce sont des appareils somme toute proche de ceux qu’utilisent les dentistes : performants et précis !

Delphine est allée au Koweit pour partager son savoir-faire et montrer leurs créations lors du Festival Al-Qurain en janvier 2019. où étaient conviés plusieurs représentants de l’artisanat européen ! Une fort belle mise en avant de leur merveilleux travail.

Ys Paris – 2 rue Colvestre – tel 02 96 43 39 18 – https://www.ysparis.com

Où manger ?

Une de meilleures tables est sans conteste le restaurant Aigue Marine, qui est également un hôtel avec spa. Il surplombe le fleuve Jaudy, et se trouve à seulement 8 mn de la maison Renan. Un peu à l’écart du centre donc, mais pas trop, on y accède à pied. Le chef Stanislas Laisney cuisine les produits locaux avec beaucoup de créativité, et les assiettes sont aussi belles que bonnes. Si vous aimez les produits de la mer, vous aimerez sûrement cet établissement étoilé. Mention spéciale pour cette langoustine de Guilvinec, fabuleusement préparée et qui a ravi mes papilles, en duo avec de la rhubarbe et du boudin noir … un trio surprenant mais réussi. En plat j’avais choisi un cabillaud au choufleur et pamplemousse, suivi d’un dessert assez léger (voir photo) à base de fraise et lait ribot, parfumé à l’estragon.

Restaurant Aigue Marine – face au port de plaisance, 5 Rue Marcellin Berthelot

Où boire un verre ?

Si vous cherchez un lieu plein d’humour avec un excellent accueil, je vous conseille chaudement Mouss’tache , avec son bar où les clients refont le monde, le mobilier dépareillé, la déco vintage pleine d’humour (jetez un oeil aux cadres et affiches). En plus on y retrouve la délicieuse bière Philomenn dont je vous ai parlé en début d’article. J’avais goûté une blonde à la brasserie, ce coup-ci j’ai pris une rousse qui était excellente !

Madame Mouss’tache – 26 Rue Colvestre

Où dormir ?

Super bien placé dans le centre, l’ hôtel Saint-Yves est situé dans un immeuble très ancien avec un escalier à vis en pierre. Heureusement le propriétaire m’a gentiment aidée à porter ma valise, car j’avais un peu peur de tomber !

Ma chambre était calme et très confortable, avec des murs en pierres apparentes, ce qui lui donnait beaucoup de charme.

Hôtel Saint-Yves ** – 4 rue Colvestre – tel 02 96 92 33 49 – https://www.lesaintyvestreguier.com 

Cette visite de Tréguier touche à sa fin …. c’est vraiment une très belle ville, que je vous encourage à ajouter à votre itinéraire en Côtes d’Armor. En attendant, vous pouvez épingler l’article en choisissant une des photos ci-dessous :

Ce voyage en Côtes d’Armor est le fruit d’une collaboration avec Tourisme Bretagne. Les choix éditoriaux des articles qui font suite à ce voyage me reviennent librement.

TOURISME BRETAGNE
Site Web : https://www.tourismebretagne.com/