Après un premier article préambule il y a quelques jours, je vous propose d’entrer dans le vif du sujet et de commencer à explorer la tricité, en commençant par un grand classique : la voie royale, qui est un incontournable si vous venez à Gdańsk. Reliant la Porte Haute à la Porte Verte, elle forme l’artère principale de la ville, c’est là que s’effectuait la parade solennelle des rois de Pologne qui faisaient une visite officielle à la ville chaque année. Comptez deux heures pour ce parcours, une demi-journée si vous visitez les musées ; personnellement, je conseillerais même une journée complète, pour contempler chaque façade et tous leurs détails architecturaux !! J’ai fait cette marche d’ouest en est, mais vous pourrez la faire dans l’autre sens, à votre guise, si cela vous chante, donc en partant du quai de la Motława. Comme vous le constaterez j’y ai inclus deux ou trois petits écarts, qui méritent le détour.
Après la deuxième guerre mondiale qui l’a réduite à néant, la ville fut rebâtie et certains quartiers soigneusement reconstitués … c’est le cas ici, où l’architecture rappelle les villes des Flandres. En effet, comme beaucoup de villes de la Belgique actuelle, Gdańsk faisait partie de la Hanse, l’association coopérative entre commerçants et villes portuaires d’Europe du Nord à la fin du Moyen-Âge. De nombreux bateaux néerlandais accostaient dans le port de la ville de façon régulière pendant les XVe, XVIe et XVIIe siècles.
Nous commençons cette promenade par la Porte Haute, qui était autrefois l’entrée d’honneur principale de la ville. Observez les décorations sur cette construction austère : ce sont les symboles de Gdańsk, de Prusse Royale et de Pologne. Celle-ci date de l’époque Renaissance, mais elle se présente vraiment comme un poste avancé des fortifications médiévales ; c’est surtout le point de départ de la Voie Royale.
Juste après, vous découvrirez l’Avant-Porte ; c’est une sorte de barbacane comme je vous ai montré à Varsovie et à Cracovie. Ici de style Renaissance et gothique, elle est formée par la Tour de la Prison et la Maison de la torture. Du XVIIe au XIXe siècle, elle abrita la prison de la ville … et plus récemment, s’y trouvait le Musée de l’Ambre, mais celui-ci a déménagé et j’ai hâte de vous le montrer dans un prochain article.
J’ai failli ignorer, si mon guide Andrzej ne me l’avait signalé, place du Marché-au-Charbon, ce curieux Arbre du millénaire, tout argenté, et planté en 1997 par des forgerons pour le millième anniversaire de la ville. Elle est un peu anachronique dans le décor environnant, mais c’est ainsi …
Suite à des dégradations, la partie basse de la Porte Dorée était hélas masquée par des panneaux assez disgracieux, c’est bien dommage … J’ai donc décidé de prendre la photo d’une façon différente … zut, il y avait des filets en haut ! Il faudra que je revienne pour l’admirer dans toute sa splendeur … Les huit sculptures que l’on peut voir (4 d’un côté et 4 autres de l’autre) sont les allégories des vertus citoyennes.
Même si elle n’est pas directement située sur la voie royale, je tenais à vous montrer la Halle Saint-Georges, qui jouxte la porte Dorée sur la gauche. On l’appelle aussi « manoir de la confrérie Saint-Georges » : il était en effet le lieu de réunion de chasse de Saint-Georges, la plus ancienne organisation d’élite dans le Gdańsk du moyen-âge. On y organisait également des fêtes, festins et représentations théâtrales. Si l’édifice fut construit en 1494 , ce n’est qu’un siècle plus tard qu’on rajouta au sommet de la petite tour lanterne (en 1556) une statuette du saint terrassant un dragon … mais ce n’est hélas pas l’original, ce dernier se trouve au Musée National.
⇒ Le saviez-vous ? Cette halle gothique fut construite par Hans Glotau … et elle abrite aujourd’hui le siège de l’Association des architectes polonais.
Nous voici maintenant arrivés dans la rue Długa ou rue Longue et ses merveilleuses façades (on se dévisse le cou tellement elles sont belles … et on finit par toutes les prendre en photo !). Elle est en effet bordée de hautes et étroites maisons patriciennes aux riches pignons sculptés, allant du XVe au XXe siècle (la plupart ont été reconstruites).
Il est difficile de faire un choix et de vous désigner les plus belles, mais notons tout de même, au numéro 12, la maison Uphagen, qui se visite, car en effet elle héberge maintenant le musée des intérieurs bourgeois du XVIIIe siècle. Je n’ai hélas pas eu le temps de le visiter … mais déjà, la façade rococo à larges fenêtres est prometteuse ! Elle avait été construite en 1780, par l’architecte Johann Benjamin Dreyer, selon les désirs d’un riche marchand et conseiller de Gdańsk, Johann Uphagen. Elle a été transformée en musée dès 1910, et reconstruite après la guerre d’après des plans et photographies, dès 1950. De façon surprenante, il paraît que l’intérieur a survécu à la guerre …
Aux numéros 69 et 70 de cette rue Długa, assez rares pour être signalées, deux maisons de la fin du XIXe siècle ont survécu aux bombardements. Je vous montre le pignon de celle située au numéro 69, ci-dessous :
La Maison Ferber (1560) au numéro 18 est particulière, avec ses nombreux médaillons représentant des têtes d’empereurs romains. Cette famille était très influente, en effet parmi ses membres, on a pu dénombrer cinq maires, quatre burgraves (commandants militaires), et onze conseillers. Apparemment pour le moment la visite de cette maison est suspendue (temporairement, j’espère).
Construite la même année, et dernière maison de cette rue, la maison Schumann, au numéro 45, est vraiment superbe et élégante. Au sommet, une statue du dieu Zeus, et dans les niches, celles d’Apollon et de Diane. Sur le côté gauche de la maison (car elle fait un angle), on peut admirer une statue d’Athéna, qu’on ne voit pas sur ma photo.
⇒ Bon à savoir : dans cette maison, vous trouverez le siège de l’office du tourisme, ainsi qu’un centre de guides du voyage … mais aussi un hôtel (assez modeste) qui propose quelques chambres et appartements. Emplacement vraiment number one ! (Hôtel Dom Schumannow)
Tout en cheminant, on arrive un peu plus bas à l’Hôtel de ville de la ville principale (en été, on peut monter au sommet de la tour). Un majestueux escalier de pierre mène à la porte d’entrée, et aux étages supérieurs on peut visiter le musée historique de la ville de Gdańsk (vérifiez bien les horaires d’ouverture car ils varient selon la saison). Bien que très ancien (on retrouve des mentions qui datent de 1327), le bâtiment fut remanié après l’incendie d’octobre 1556 dans le style de la Renaissance flamande.
Sa gracile tour, réalisée par le hollandais Dirk Daniels, est surmontée d’une longue flèche, coiffée d’une statue dorée du roi Sigismond II Auguste (il est tellement haut – 82 mètres – qu’on le voit mal sur ma photo !). J’ai appris que c’était un hommage de la population à celui qui avait à l’époque accordé les mêmes droits aux catholiques et aux protestants, par la promulgation d’un édit.
Lors de la visite du musée, on est impressionné par les magnifiques salles d’apparat : la grande salle du conseil (ou salle Rouge) et ses peintures murales, ses sculptures. Au plafond, 25 tableaux mythologiques et bibliques peints par Izaac Van den Blocke, auteur de la fameuse apothéose de Gdańsk.
⇒ Le saviez-vous ? Si vous avez lu le livre de Günther Grass (ou vu le film « Die Blechtrommel » – Le Tambour), vous revivrez des souvenirs particuliers dans les pas d’Oscar, le personnage central de l’histoire.
Juste après l’hôtel de ville, on admire une magnifique statue en bronze de Neptune … qui marque le début de la deuxième partie de cette artère. Cette fontaine est le symbole de l’opulence de la cité, mais aussi le lien étroit qu’elle entretient avec la mer … C’est Peter Hussen qui l’a fondue en 1615, et pendant la guerre elle fut démontée … pour revenir à cet emplacement en 1954.
Passée la statue de Neptune et cet hôtel de ville, on se trouve en effet sur le Long marché (Długi Targ) : cette place se prolonge en fait jusqu’aux quais de la Motława, la branche locale de la Vistule.
Juste derrière le dieu des mers, on distingue aisément un élégant bâtiment blanc ; il s’agit de la Cour d’Artus, une maison qui fut le siège des confréries de marchands, dont le nom en polonais est Dwór Artusa. Son portail royal est orné de deux médaillons à l’effigie des Wasa, Sigismond III et son fils Ladislas IV. Quatre statues, au niveau des fenêtres sont surmontées par les allégories personnifiées de la Force et de la Justice. Tout en haut, c’est la déesse Fortune qui est représentée.
L’intérieur vaut vraiment le détour, avec un modèle de bateau suspendu, ce bas-relief polychrome représentant Saint-Georges terrassant le dragon … et surtout ce poêle en faïence incroyable, réalisé en 1545 par le maître potier Georg Stelzener. Sur les 520 carreaux peints qui le recouvrent (dont 437 sont des originaux), se succèdent les portraits des plus grandes figures du monde catholique et luthérien du début du XVIe siècle.
Non loin de la cour d’Artus, au numéro 41, vous verrez une autre façade blanche, avec quatre statues de personnages antique perchées sur une balustrade à colonnes (Cléopâtre, Œdipe, Achille et Antigone) : la Maison Dorée. On l’appelle soit la maison de Speymann ou de Steffens. Construite vers 1609 pour le maire d’alors par l’architecte Abraham van den Blocke, elle présente plusieurs visages sculptés, ce qui est assez impressionnant … on y reconnaît les rois polonais Zygmunt III Wasa, Wladyslaw Jagiello, entre autres. Comme beaucoup d’autres hélas, elle fut détruite en 1945, et reconstruite sur la base de ce qu’il restait. On peut lire également la phrase en latin « Aime la vertu et tu seras heureux, si tu la persécutes, elle te détruira « . C’est un magnifique monument représentatif du maniérisme flamand.
On approche de la fin de la place et de l’accès au quai long … encore une belle porte et une belle façade … ma carte mémoire est bien remplie !
Nous arrivons à la fin de notre promenade, et la superbe Porte Verte ferme la perspective de ce Long Marché, devant le quai de la Motława que je vous montrerai plus tard. Comme vous le voyez, elle est percée de quatre arches, remplaçant en fait une porte qui avait davantage une vocation défensive à l’origine, du XIVe siècle (la Koga). Cette reconstruction par Jan Kramer et Regnier a été faite entre 1568 et 1571, pour être la résidence royale. Cependant, à part Marie-Louise de Gonzague (avant son mariage avec Ladislas IV Wasa) aucun monarque polonais n’y a jamais habité … .
⇒ Le saviez-vous ? Lech Walesa y a un bureau !
Si tu as aimé cet article, et que peut-être tu penses visiter Gdańsk un jour, épingle cet article sur Pinterest ! Dans un prochain article, je vous emmènerai sur le Long Quai et les rives de la Motława.
Si vous cherchez un guide parlant bien français, je vous recommande Andrzej Falkowski, son site internet est ici, vous pouvez construire avec lui un programme en fonction de vos intérêts : https://www.omnibustourist.com.pl/fr/
Cet article fait suite à une invitation de l’Office National Polonais de Tourisme et de l’Organisation Régionale du Tourisme de Poméranie, mais je garde toute liberté éditoriale.
Office National Polonais de Tourisme
Site Web : https://www.pologne.travel/fr
Organisation Régionale du Tourisme de Poméranie PROT
Site Web : https://pomorskie.travel/en/
Office du Tourisme de Gdańsk
Site Web : https://visitgdansk.com/en/
6 réponses sur « Gdańsk, la voie royale »
c’est vraiment superbement reconstruit en effet ! on ne dirait pas que c’était un champ de ruines après la guerre …
Ces façades sont en effet fabuleuses … merci du partage !
C’est vraiment trop beau !!!! Très envie d’y aller !!!
Bel article, bien documenté et qui donne envie de découvrir Gdansk
C’est superbe ! Je n’aurais jamais pensé visiter cette ville. Merci pour le tips !
de rien Caro !!! n’hésite pas à lire mes autres articles sur la Pologne : Cracovie et Varsovie !