Vous vous rappelez peut-être que je suis allée à Abbeville en Picardie au mois de juin dernier, afin de voir la formidable exposition en immersion dans un HLM voué à la destruction : Transition Espace Ephémère . Venant de Lyon en passant par Paris, il m’était impossible de faire l’aller-retour dans la journée, aussi j’ai passé une nuit sur place et profité de l’occasion pour découvrir la ville, et je ne l’ai pas regretté, découvrant un patrimoine d’exception. C’était ma première fois dans cette région, j’ai appris par hasard que c’est ici que fut découvert le plus ancien site préhistorique du nord de la France … une mise à jour faite par … Jacques Boucher de Perthes, dont je vous reparle un peu plus bas dans cet article.
Commençons par le commencement … et l’arrivée à la gare, en TER depuis Gare du Nord à Paris : dans un beau style balnéaire locale, elle fut mise en service en 1862. Curieusement l’ossature du bâtiment est en bois, recouverte de briques rouges. C’est la dernière gare en France à avoir été construite selon ce procédé. Elle fut ajoutée à la liste des monuments historiques en 1984.
Petite astuce, un C215 se cache pas loin : sur une boîte aux lettres à droite de la gare …
Je commence mon tour de la ville par ces anciens bains douches, inscrits aux monuments historiques, datent de 1909, dans le sillage des réformes hygiénistes, période où on souhaitait améliorer les conditions de vie des locataires des maisons ouvrières de la Caisse d’Epargne d’Abbeville. Ainsi, ce bâtiment a été construit, il comportait 4 salles de bains avec baignoires et 17 cabines de douche.
Ils ont été rachetés à la ville en 2005 par un chef d’entreprise, qui avait eu un véritable coup de coeur lors d’une visite.
Entre 2006 et 2011, les lieux ont accueilli un salon de coiffure à la déco un peu baroque, qui se prêtait bien au lieu. Finalement, le salon a fermé et s’est installé ailleurs en ville, et depuis les lieux sont inoccupés et pas entretenus, c’est vraiment dommage … Les éléments de décor de la façade du bâtiment principal ainsi que celles recouvrant la maison du gardien, qui est accolée, tombent petit à petit … J’aurais bien aimé voir l’intérieur, qui paraît-il est fait de mosaïques (au sol et sur les murs), avec de beaux vitraux, dont certains sont signés du maître-verrier amiénois Laigle. Des visites ont été organisées par l’Office du Tourisme durant l’été 2019, mais je crois qu’il n’est plus possible d’en faire.
Bains Douches – 20 rue Jules Magnier (ne se visite pas)
Quel lieu paisible et inspirant que ce jardin d’Emonville … Oui, j’ai eu beaucoup de chance de le découvrir sous un soleil magnifique, une météo qui ne pouvait que le mettre en valeur. La partie nord s’organise autour d’une grande pièce d’eau traversée par un pont. Ce jardin possède les caractéristiques d’un jardin anglo-chinois : pièces d’eau, reliefs et constructions telles que les serres ou la tour néogothique. Conifères, feuillus, plantes vivaces et annuelles et même une dizaine d’espèces d’arbres rares agrémentent ce jardin à la palette végétale diversifiée.
On adore se promener entre les massifs fleuris et les différentes sculptures qui ornent le jardin : l’historien et poète Ernest Prarond, natif d’Abbeville, mais aussi une série de trois statues en plomb représentant Apollon, Mercure et Diane.
La partie sud est constituée de deux pelouses agrémentées d’arbres de différentes espèces depuis le XIXe siècle, et un petit bassin. On distingue le majestueux hôtel particulier construit en 1861 pour Arthur Foucques d’Emonville, passionné d’horticulture et de botanique. A l’origine, cette propriété faisait partie du prieuré bénédictin Saint-Pierre et Saint-Paul, fondé au XIe siècle. Il fait appel à l’architecte Hector Lefuel, qui vient de terminer les travaux du Louvre. Au décès de Monsieur d’Emonville, sa famille a cédé l’ensemble à la ville d’Abbeville, qui installera dans le « château » le musée d’Abbeville du Ponthieu, l’Hôtel de Ville de l’Occupation à 1960, puis la Bibliothèque Municipale. Actuellement, et depuis 1995, on y trouve les collections de la bibliothèque patrimoniale et les archives anciennes.
Jardin public d’Emonville – lundi au dimanche de 7 h 30 à 20 h
Un des incontournables d’Abbeville, c’est sans doute également l’église Saint-Sepulcre , qui se situe dans le coeur historique. De style gothique, elle est semble-t-il fondée au XIe siècle, mais on ne trouve vraiment trace de sa construction que vers le XVe siècle, après la guerre de cent ans. Partiellement détruite en 1940 lors d’un bombardement par la Luftwaffe et a fait l’objet d’une restauration bien plus tard, dans les années 1970. Cette collégiale gothique est surtout visitée pour ses vitraux.
Un élément à voir cependant : la mise au tombeau, avec ses sept personnages traditionnels. Le Christ allongé est en bois, tandis que les autres personnages sont sculptés dans la pierre.
Dans les années 1980, l’artiste Alfred Manessier crée une série de vitraux célébrant la victoire de la vie contre l’angoisse, la souffrance et la mort. Si vous visitez le Musée Boucher de Perthes, vous pourrez voir quelques unes de ses toiles, car c’est un peintre né à Saint-Ouen dans la Somme, considéré comme un des maîtres de la nouvelle école de Paris. Le vitrail occupe cependant une grande partie de son oeuvre ; il a également dessiné pour la réalisation de tapisseries.
L’autel de la Vierge, ci-dessous à gauche, date de la fin du XIXe siècle. A droite, sur la façade sud, un Christ aux liens, probablement de la même période.
Eglise Saint-Sepulcre – Place Saint-Sepulcre – gratuit – ouvert du mardi au dimanche de 14 h à 18 h
Mon regard est attiré par ce grand monument commémoratif : réalisé en marbre de Carrare, il représente l’Amiral Amédée Courbet, né à Abbeville, connu pour sa carrière militaire dans la marine, debout, pointant l’horizon comme s’il montrait le cap à suivre. Parti pour la campagne des îles Pescadores (maintenant nommées Taïwan) , il mourra de maladie et d’épuisement à bord de son navire le Bayard. Le monument fut déjà endommagé en 1918, mais de plus, lors de la deuxième guerre mondiale, deux canons chinois en bronze qui ornaient le monument ont été déposés pour être fondus par l’armée allemande, en 1942.
Place de l’Amiral Courbet
Pas très loin de ce monument, j’aperçois le beffroi, c’est hélas le seul élément qui subsiste de l’ancien Hôtel de Ville. Sa construction remonte à 1209 et il est classé au Patrimoine Mondial de l’UNESCO.
Au pied du beffroi se situe l’entrée du musée Boucher de Perthes, un lieu que je vous recommande fortement de visiter, en raison de la richesse de ses collections. En introduction, je vous avais parlé de ce « père de la préhistoire », qui n’est pas né à Abbeville mais qui y fera sa carrière dans l’administration des Douanes. Passionné de science préhistorique, il a également écrit de nombreux livres, s’intéressait à la botanique … un vrai touche-à-tout ! On le connaît surtout pour sa découverte, en 1863, d’un site préhistorique qui s’avèrera le plus ancien du nord de la France, et la création de la Société d’Emulation d’Abbeville. Le musée que l’on peut voir aujourd’hui est en fait la fusion du musée d’Abbeville et du Ponthieu et l’ancien musée Boucher de Perthes.
Pour commencer j’ai pu voir une exposition intéressante consacrée à des peintures d’ Alfred Manessier, dont j’avais vu les vitraux dans l’église du Saint-Sépulcre, et que je vous ai déjà présenté.
Cette expo s’intitulait « Joies et passion selon Manessier » et on peut y admirer le jeu de couleurs auquel s’amuse l’artiste. C’est sa famille qui a fait don au musée d’un nombre significatif d’oeuvres, dédiant même une salle entièrement à celui-ci, avec un accrochage qui changera régulièrement.
Au niveau supérieur, on découvre une belle collection de peintures et sculptures du XVe au XIXe siècle, avec de très belles pièces.
Il y a de nombreux éléments du Moyen-Âge en bois polychrome (voir photos ci-dessous), une collection d’archéologie, mais aussi au deuxième étage un petit musée d’histoire naturelle exposant insectes, oiseaux, herbiers …
Musée Boucher de Perthes – 24 rue Gontier-Patin
Entrée : 4 € (gratuit le samedi)
Avouez qu’elle est magnifique, cette église Saint-Vulfran , non ? Chef d’oeuvre du style gothique flamboyant picard, sa façade est flanquée de deux tours symétriques de plus de 55 mètres de hauteur ; elle fut édifiée à partir de 1488. Regardez bien, on voit qu’au sommet des tours, ont été ajouté deux tourelles de guet …
La nef ne fut achevée qu’au XVIIe siècle … un chantier qui a duré bien longtemps, mais le résultat vaut vraiment la visite. Entre vitraux modernes d’inspiration religieuse, retables de plus de 600 ans, cette ancienne collégiale royale a des allures de cathédrale, avec sa façade finalement taillée telle une dentelle de pierre.
Ci-dessous à droite : l’autel de Sainte-Anne …. oh la la ces couleurs, j’adore !
L’ancien monastère du Carmel de Jesus Maria ne vaut pas forcément la visite, mais comme il est attenant au parc d’Emonville, pourquoi ne pas y aller ? Les carmélites s’y installèrent à partir de 1821, et y resteront jusqu’en 1998, année où la ville a acheté la propriété. Le monastère est devenu Maison du Patrimoine, mais il est dans un état proche de ce qu’il était au XIXe siècle. L’ancien verger est accessible comme parc public, abrité par des murs de 3 mètres de haut. Il y avait ici auparavant une brasserie et un verger, dont il reste quelques spécimen.
Ancien Carmel et jardins – 34-36 rue des Capucins – gratuit – 9 h à 12 h et 14 h à 18 h (fermé samedi et dimanche)
La Porte de l’ancien Couvent des Ursulines est de loin le monument ou plutôt devrais-je dire « vestige » qui m’a le plus impressionnée lors de ma visite d’ Abbeville. En plus, avouez qu’avec ce ciel bleu, l’imposante porte d’entrée de la chapelle de Stanislas, du XVIIe siècle, est particulièrement majestueuse ! Cette communauté religieuse a été fondée en 1614, et chose insolite, c’est une religieuse, mère Anne de Saint-Paul, qui a dessiné les plans de ce bâtiment qui allait accueillir les Ursulines. (Elles étaient auparavant installées dans l’hôtel de Gamaches, devenu trop étroit).
L’ancien couvent deviendra magasin de fourrage et haras, puis collège ou institution Saint-Stanislas de 1869 à 1905. Pendant la première guerre mondiale, l’édifice abrite une caserne annexe, avant de venir un collège de jeunes filles. Comme beaucoup de bâtiments, il fut presque entièrement détruit lors des bombardements de mai 1940. Seul en réchappe le portail de la chapelle et une partie des façades du cloître. Les statues dans les trois niches du portail ont hélas disparu.
Vestiges du couvent des Ursulines – Accès libre toute l’année
Non loin des Bains Douches vous verrez quelques maisons anciennes du XVIe siècle, hélas il n’en subsiste guère dans la ville. En effet, bon nombre ont été détruites lors d’un incendie du à un bombardement des allemands en mai 1940.
La maison dite « des Arondelles » se trouve place du Pilori, elle est classée partiellement aux Monuments Historiques.
A droite ci-dessous, j’ai pris en photo une statuette d’angle, qui représente un pèlerin de Saint-Jacques.
Connaissiez-vous Abbeville en Picardie ? Venez la découvrir si vous venez en Baie de Somme, ce n’est pas très loin … et comme d’habitude vous pouvez sauvegarder cet article sur Pinterest en cliquant sur l’image ci-dessous.
6 réponses sur « Abbeville »
en effet il y a pas mal de choses à voir … et tu as eu beau temps, ça doit être assez rare là-bas 😀
hi hi hi … tu es mauvaise langue !!! merci pour ton commentaire j’espère que le post t’a plu !
je ne connaissais pas cette ville du nord, ça a l’air beau
pas mal comme destination, j’aime bien !
Si je connais bien cette ville, j’avoue que je ne faisais qu’y passer en voiture quand j’allais rejoindre la Baie de Somme. Un arrêt aurait assurément valu le coup, je le note pour un prochain passage dans ma Picardie !
eh bien oui, il y a pas mal de choses à voir tu vois !