Concierge à l’IC Paris

Le rôle du concierge est essentiel dans l’élaboration des séjours de la clientèle des hôtels InterContinental. Tout au long de l’année il offre une aide précieuse aux clients en quête de conseils pour découvrir la ville, et également pour toute aide pendant leur voyage.

C’est donc dans ce cadre que j’ai pu rencontrer Roger, concierge en poste à l’Hôtel Le Grand à Paris depuis bientôt dix ans, pour lui poser quelques questions.

ATOML : bonjour Roger, vous êtes concierge à l’hôtel InterContinental Le Grand, pouvez-vous me préciser combien de concierges travaillent ici ?

RG : Nous sommes une dizaine de concierges en journée, et deux concierges de nuit, qui se relaient en permanence, sur une base de 4 jours travaillés et 3 jours de repos, cela permet ainsi d’avoir un turnover assez régulier. Il m’arrive également de faire des remplacements de nuit, pour les collègues qui partent en vacances ou qui ont besoin de s’absenter en urgence. Je travaille depuis bientôt dix ans dans cet établissement.

ATOML : Existe-t’il une formation qui existe pour préparer au métier de concierge ?

RG : Oui, il existe une formation qui est soutenue par l’Association des Clefs d’Or Concierges (*)  qui se passe au Lycée Occitanie de Toulouse, qui dure dix mois (six mois de cours théorique et quatre mois de stage dont deux mois dans des hôtels différents, ce qui leur permet d’acquérir une expérience de terrain, un savoir-faire, et connaître des établissements de standing différent, pour être polyvalent le jour où ils seront sur le marché du travail ; 90% des élèves trouvent un poste assez rapidement dans l’hôtellerie.

concierge hotel intercontinental Paris

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ATOML : Et vous-même, avez-vous suivi ce type de formation ?

RG : Non pas du tout, j’ai été formé « sur le tas », c’est aussi une très bonne école … j’ai débuté comme réceptionniste, mais je me suis très vite tourné vers le métier de concierge car j’aimais beaucoup le relationnel qui existait entre la clientèle et le concierge, c’est un relationnel complètement différent, il faut connaître la ville de Paris, il faut savoir être un peu psychologue, savoir cerner le client et savoir ce qu’il recherche et donc répondre à ça … C’est un métier qui est « balisé », mais en même temps, nos journées se suivent mais ne se ressemblent pas. Les demandes sont différentes, même si parfois cela peut aller du timbre poste au billet d’avion en passant par des demandes plus ou moins extravagantes, mais au niveau de la sensibilité du client, de ce qu’on va lui apporter, chaque chose est différente donc cela permet à chaque fois de nous renouveler, et Paris est une ville qui se développe en permanence ! L’information que j’ai aujourd’hui ne sera peut-être plus valable demain, donc j’ai besoin de me renouveler en permanence. Le concierge sort donc beaucoup pour essayer les restaurants, tester les nouvelles sorties, les nouvelles escapades, les nouvelles expositions bien évidemment … on se renseigne énormément aussi bien sûr lorsqu’on envoie un client dans un restaurant par exemple …  j’ai besoin de savoir exactement quel est le parcours du Chef, quelle est son histoire, quelles sont les spécialités … (sans connaître le menu par coeur non plus !) mais savoir guider le client de manière à pouvoir répondre au mieux et au plus juste à sa demande. Il faut parfois savoir cerner le client avant même qu’il ait pu nous poser une question, le lire sur son visage, sur son attitude … on devient un petit peu psychologue, on a cette notion-là ! Cela vient avec le temps, j’ai des collègues qui sont encore plus expérimentés que moi, qui savent immédiatement ce qui va plaire au client. On établit réellement une relation de confiance entre le client et nous-même qui nous permet de pouvoir ainsi le guider pendant son séjour.

La durée moyenne d’un séjour hors saison est actuellement de deux ou trois jours, alors qu’à une époque, il n’était pas rare que les clients restent un mois dans l’hôtel ; cela permettait de créer une relation plus forte. Aujourd’hui il faut vraiment connaître les clients, il faut savoir les suivre, et ils viennent également avec leurs propres informations, glanée dans le New York Times, Trip Advisor, …, plein d’informations qu’ils peuvent trouver sur internet, et qui sont plus ou moins bonnes. Il va falloir que l’on discerne là-dedans et le mot final c’est nous qui l’avons et en général ils suivent très bien nos recommandations et ça se passe au mieux.

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ATOML : Vous en avez déjà un peu parlé, mais quelles sont les qualités nécessaires à un bon concierge ?

RG : pour être un concierge, il faut avant tout une très bonne écoute. Il faut savoir écouter le client, il faut une très bonne observation. Je pense que l’écoute est primordiale ; il faut savoir ce que le client veut, il vient souvent avec ses demandes, avec ses attentes, mais en même temps il faut savoir, par son attitude corporelle -le langage du corps est très important- ce qu’il nous dit, savoir précisément l’écouter de manière à pouvoir le guider. Il vient parfois avec une idée, par exemple – « je veux aller déjeuner dans un restaurant 3 étoiles Michelin » ….  mais ne réalisent pas qu’en famille ce n’est pas forcément l’idéal et que ce n’est peut-être pas l’ambiance de restaurant qui leur plairait, trop guindée. A nous de les guider, parfois de les éduquer, et cela se passe très bien, c’est toujours très agréable.

verrière hôtel InterContinental Paris le Grand

ATOML : J’imagine que vous parlez plusieurs langues, et que c’est un critère important dans votre métier ?

RG : l’anglais est un minimum, évidemment, en plus du français. Je parle également allemand, à un niveau correct, assez pour guider un client. Etant d’origine libanaise, je parle également arabe. Nous sommes plusieurs dans l’hôtel à être polyglottes, j’ai un collègue qui parle le russe, d’autres parlent bien sûr l’espagnol, le portugais, c’est assez éclectique, et cela permet de servir un panel de clientèle le plus large possible. Nous cherchons à développer les langues asiatiques ; le japonais était à une époque très demandé (et l’est toujours), mais je pense que le mandarin est la langue d’avenir, et qu’il faut s’inscrire aux cours de l’INALCO (**) le plus rapidement possible ! On le sent au niveau de Paris, par exemple dans les grands magasins, il faut savoir être réactif par rapport à cela ! Le Printemps ou les Galeries Lafayette ont déjà recruté depuis longtemps des vendeuses qui parlaient le mandarin ou qui parlaient le dialecte chinois approprié. Lorsque vous maîtrisez une langue, au delà de la langue parlée elle-même, il y a aussi tout l’aspect culturel qu’il peut y avoir derrière une langue, tous les modes de consommation, toutes les mentalités, tous les modes de comportement, qui chez nous peuvent être très surprenants. Lorsqu’on voit une clientèle chinoise qui peut avoir des comportements qui leur sont propres, qui nous surprennent nous en tant qu’européens, il faut parfois aller au delà de ça pour comprendre que c’est culturel et il faut vraiment s’ouvrir à ça. Car en effet, lorsque nous européens nous voyageons nous pouvons également avoir des comportements surprenants ! Cela permet de vous ouvrir l’esprit … C’est vrai qu’on ne parle pas à un client russe comme on parle à un client américain ou comme on parle à un client japonais ; notre métier c’est de toujours s’adapter, savoir répondre au mieux, d’avoir cette finesse psychologique, cette sensibilité culturelle, de manière à répondre de manière précise. Par exemple un client chinois viendra nous voir, sans dire bonjour, il voudra quelque chose tout de suite, il ne faudra pas s’en offenser, c’est comme cela, c’est culturel, c’est ni meilleur ni pire, c’est totalement différent et il faut l’accepter et je pense que c’est très important de s’ouvrir à ça.

ATOML : Vous conseillez une clientèle cosmopolite et exigeante, quelles sont les demandes les plus loufoques ou les plus difficiles à satisfaire que vous ayez eues ?

RG : des demandes loufoques pas vraiment, mais je peux vous raconter une demande de dernière minute qui nous a donné bien du travail ! Un de nos clients, homme d’affaires, devait recevoir un colis express mais celui-ci était en retard et n’avait pas été livré. Il avait besoin qu’on lui fasse imprimer une série de tee-shirts, de petits drapeaux à logo, etc … pour le lendemain ! Il a fallu organiser toute une équipe pour satisfaire sa demande : trouver les imprimeurs qui allaient imprimer les logos sur des petits fanions triangulaires, trouver les personnes qui allaient nous fournir les tee-shirts en différentes tailles. On se repose sur une équipe, on en parle aux collègues … nous avons également l’aide des chasseurs grooms qui sont là pour nous aider et qui peuvent se déplacer en ville pour trouver l’information, et là encore, nous avons des concierges expérimentés qui sont là depuis des années et qui ont beaucoup de contacts dans tous les domaines. Le bouche à oreille est également très important et quand on n’a pas le temps d’avoir le carnet d’adresses ou quand on a une panne informatique, on connaît les gens qui peuvent répondre à la demande très précisément. Je dois dire que je suis assez fier car ce fut une réussite, le client était extrêmement satisfait.

J’ai été confronté à une autre situation qui prouve que parfois une demande qui peut sembler anecdotique et plutôt simple, mais qui sur un détail, on peut faire basculer le séjour d’un client dans un sens ou dans un autre. J’ai eu un client, asiatique, qui voulait demander sa fiancée en mariage, à Paris. Cela implique se rendre sur le Pont des Arts pour le cadenas, organiser la voiture avec le champagne, le chauffeur qui va les attendre, le parapluie si besoin, … mais le client avait demandé une limousine. Le jour dit, nous fournissons tout le « package » qu’il avait souhaité, on lui présente la voiture, c’est une voiture Sedan (de type berline, Mercedes Classe E), qui est une voiture de taille correcte, mais qui n’est pas, dans l’imaginaire du client, une limousine. Il avait plutôt imaginé une limousine « stretch », de type Lincoln, donc à un détail près, le terme « limousine » ne signifiait pas la même chose pour nous et pour le client. Cela s’est bien passé, la fiancée à répondu « oui », mais je pouvais lire dans le regard du client un petit peu de déception. Là encore, l’écoute est extrêmement importante. Le terme aurait du être précisé avec lui ; une limousine Sedan permet de se déplacer beaucoup plus facilement dans certaines rues de Paris, c’est un argument que nous aurions pu lui expliquer.

concierge les clefs d'or

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ATOML : Comment voyez-vous l’évolution du métier de concierge ?

RG : Je pense qu’il y a une nouvelle génération qui vient, qui est très formée aux nouvelles technologies, qui a toute l’énergie nécessaire pour répondre aux demandes des clients « high-tech » ; le métier de concierge devra s’adapter à ces nouvelles technologies, il faudra qu’il évolue dans ce sens, nous mêmes nous avons commencé à mettre des applications sur internet (ipad etc …) où en amont, on prépare le séjour du client. J’ai des clients qui lorsqu’ils sont à l’hôtel, m’envoient des emails pour me faire des demandes plutôt que de m’appeler ou de se présenter directement au comptoir. Les nouvelles technologies sont à prendre en compte, il y a aussi tous les réseaux sociaux, sur lesquels il faudra se placer ; je pense que dans l’avenir c’est ce qui pourra faire la différence, mais je pense que rien ne vaut le contact de client à concierge, qui est primordial. Il va falloir savoir combiner les deux, ne pas voir les nouvelles technologies comme une concurrence (quoi que je trouve que la concurrence est toujours bonne parce qu’elle nous permet de nous remettre en question et de nous améliorer). Il va falloir améliorer tout le relationnel, rencontrer les restaurateurs, rencontrer les prestataires, de manière à construire cette relation pour mieux répondre aux demandes des clients, fournir ce service très précis, très « à la carte ».

Je suis allé au congrès international des Clefs d’Or en Nouvelle-Zélande qui s’est déroulé en avril, c’était LE sujet du congrès : les nouveaux media, l’impact que cela peut avoir sur notre métier. Je rappelle que l’enseigne Intercontinental a été la première à lancer les « vidéos concierge » : lorsque vous allez sur un site d’hôtel Intercontinental, vous avez le concierge qui représente l’hôtel qui présente sa ville, vous montre ce que vous pouvez faire, en amont de votre séjour. Lorsque le client fait une réservation, il reçoit automatiquement un email avec certaines recommandations du concierge, avec notre lien email s’il souhaite davantage d’informations. Nous sommes là pour lui répondre pour des demandes plus précises, bien sûr en partenariat avec toutes les équipes de l’hôtel (les gouvernantes, les attachés de direction …)

(Le congrès international a lieu tous les ans, le prochain aura lieu en Malaisie, à Kuala Lumpur en janvier 2014 ; il existe également des congrès nationaux, chaque année. L’association France regroupe 470 adhérents (dont seulement une cinquantaine de femmes) – ces rencontres permettent aux concierges d’échanger leurs expériences et de débattre sur différents sujets ayant trait à leur métier)

 

Un grand merci à Roger de m’avoir consacré un peu de temps pour répondre à mes questions !

(*) l’Association des Clefs d’Or Concierges réunit les concierges d’hôtel du monde entier.

(**) INALCO : Institut National des Langues et Civilisations Orientales

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