La Réunion : vanilleraie

On continue petit à petit notre voyage à la Réunion, quel bonheur de revivre à travers la rédaction de ces articles ce voyage en Océan Indien d’avril de l’an dernier. Aujourd’hui je vous emmène au Nord Est, à Sainte-Suzanne, où j’ai pu visiter en compagnie de Nathy blogueuse culinaire, et de Romeo notre guide local, la vanilleraie du Domaine du Grand Hazier. L’allée majestueuse bordée de palmiers est impressionnante, et mène à une ancienne écurie datant de 1897, située sur un domaine créole, qui appartient maintenant à la famille Chassagne. Si vous recherchez d’autres idées d’activités à la Réunion, je vous conseille de visiter le site Dunia Travel.

C’est Bertrand Côme, responsable de la vanilleraie, qui nous a accompagnés et donné toutes les explications afin de tout savoir sur la vanille. Avant ma visite, j’ignorais par exemple qu’il fallait tant d’opérations avant d’obtenir la jolie gousse parfumée que j’affectionne tant dans ma cuisine !

vanilleraie grand hazier reunion

Mais commençons par le commencement : nous sommes fin 1841, et Edmond Albius, esclave confié tout petit à Ferréol Beaumont Bellier, un passionné de botanique et d’orchidées qui vit à Sainte-Suzanne, réussit à féconder à la main une fleur de vanillier. Jusqu’ici et depuis plus de vingt ans, le botaniste n’y était pas parvenu et les plants de vanille restaient stériles (c’est une petite abeille endémique du Mexique, la mélipone, qui fait ce travail, mais uniquement en Amérique du Sud !) . Le vanillier est en effet une orchidée grimpante (liane) tropicale, dont il existe plusieurs espèces (plus de 110 à travers le monde) ; mais la Vanilla planifolia est celle qui est la plus cultivée car c’est la plus aromatique. C’est la seule orchidée dont le fruit est comestible ; c’est la deuxième épice la plus chère au monde, juste après le safran.

Cette découverte d’Edmond Albius marque les débuts de la production de vanille à la Réunion. Les 150 hectares de vanille qui sont cultivés sont concentrés sur les côtes Est et Sud-Est de l’île (une centaine de producteurs) ; il faut en effet la conjugaison de deux facteurs importants : chaleur mais aussi humidité.

Voici un plant de vanille : comme je vous l’ai dit, c’est une liane … et si on la laissait faire, elle grimperait jusqu’à 10 mètres de hauteur ! Ce qui ne serait pas très pratique pour pratiquer la pollinisation … On la maintient donc à une hauteur d’homme, un peu moins, pour que ce soit moins fatigant (1,50 mètre de hauteur est suffisant). On entoure la liane autour d’un support, cela s’appelle « le bouclage » et on le fait une fois par an, en juillet.

vanilleraie grand hazier la reunion

Lors de ma visite je n’ai pu voir de fleurs, mais Bertrand nous a expliqué que, d’octobre à décembre, des grappes de 15 à 20 fleurs éclosent (la floraison intervient 3 à 4 ans après le bouturage). Seulement 7 à 8 d’entre elles sont choisies parmi les plus vigoureuses, pour être fécondées.

Comment fait-on ? Le geste est plutôt technique et précis (et il faut aller très vite, car la fleur de vanille n’est ouverte que quelques heures sur une journée). Avec une épine, on abaisse le rostellum qui est la membrane qui sépare les organes mâle des organes femelle, puis on exerce une légère pression sur la fleur pour que le pollen saupoudre (et féconde) les organes femelle. Dès le lever du soleil, le personnel de l’exploitation procède donc à cette opération, qui s’arrête vers 11 h du matin, heure à laquelle les fleurs se ferment et meurent. Comme les personnes chargées de cette tâche sont très rapides et habiles, ils pollinisent jusqu’à 300 fleurs à l’heure, c’est incroyable !

vanilleraie grand hazier la reunion

Pendant les six semaines qui suivent la pollinisation, l’ovaire qui servait de pédoncule (la tige à la base de la fleur) va s’allonger et se transformer en une gousse longue de 12 à 25 centimètres. Au bout de neuf mois, on les récolte ; bien qu’encore vertes, elles sont à maturité. On va leur donner un bain chaud … à 65 degrés pendant 3 minutes, pour stopper l’évolution végétative afin qu’elles ne se fendent pas. C’est l’échaudage.

visite vanilleraie la reunion

Après ce bain chaud, on les enveloppe avec amour dans des couvertures bien chaudes, pendant 24 heures à 50 degrés. Elles ont un peu chaud, alors elles transpirent, perdent leur humidité : c’est l’étuvage. Après cette étape, qui produit une certaine fermentation, elles ont acquis la couleur qu’on leur connaît, une couleur noir chocolat, mais surtout il se produit une réaction aromatique. Un développement du parfum remarquable qui inonde nos narines :-)

Au bout de cette journée au chaud, on les retire des couvertures et hop direction le soleil et le bon air de la Réunion, pour un séchage de 5 à 6 heures par jour pendant deux semaines. Ceci est nécessaire pour arrêter la fermentation, point trop n’en faut ! Là aussi il faut de la main d’oeuvre puisque les gousses sont retournées régulièrement, elles gagnent en couleur, et surtout continuent de se déshydrater.

vanilleraie grand hazier la reunion

Bertrand Côme nous montre les claies grillagées sur lesquelles les gousses sont disposées pour terminer le séchage, à l’ombre, pendant 3 mois. Cela leur permet de conserver leur souplesse.

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Si toutes ces gousses ont l’air très belles, il faut tout de même les trier : pas de pitié pour celles qui mesurent moins de 15 cm de long … elles sont affublées du terme « inférieures » tout comme celles qui sont tordues, fendues ou qui présentent des cicatrices. Elles ne sont pas pour autant jetées, on en fera de l’extrait de vanille, ou elles seront réduites en poudre.

On trie également les gousses en fonction de leur niveau de dessiccation. Lorsqu’elles sont estimées suffisamment sèches, on les stocke pendant un an dans des « malles de maturation« . C’est de cette façon qu’on limitera les risques de moisissure, qui se développe parfois sur les crosses des gousses (les extrémités). On ouvre la malle de temps en temps pour éliminer les éventuelles gousses moisies pour éviter qu’elles ne contaminent toutes les autres.

Jetons un oeil à l’intérieur de ces caisses en teck, voulez-vous ?? Un vrai TRÉSOR !!

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A la fin de cette période, nos jolies gousses sont enfin prêtes à être vendues. Elles sont bien brillantes, ne peuvent plus moisir car elles ont secrété une huile qui les protège, et aussi parce qu’elles n’ont plus que 25 à 38% d’humidité.

Ne reste plus que la phase de calibrage (voir photo plus haut), où grâce à une petite planche graduée on les classe par taille dans des casiers. Puis avec une grande dextérité et rapidité, une employée constitue de gros fagots de 50 gousses, noués en 3 endroits avec du rafia. Il faut bien serrer les bottes afin qu’elles expriment leur huile et que l’air ne circule pas trop entre les gousses. Mais ça sent quoi la vanille au fait ? D’après les spécialistes, les arômes de l’épice rappelle le pruneau et la réglisse …

Plus une gousse est longue, plus elle est aromatique. Ainsi celles qui dépassent les 20 centimètres jouissent de l’appellation « Vanille gourmet », gage de meilleure qualité. Autre produit très prisé, la vanille givrée : il s’agit d’une vanille récoltée en retard, et qui s’est donc déjà fendue naturellement, rendant possible une cristallisation de la vanilline. Le parfum en est encore plus marqué, ce qui explique que son prix très élevé : 500 euros pour un kilo !

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A la fin de la visite, on peut, si on le désire, acheter des gousses en sachet ou en tube de verre, et d’autres produits dérivés.

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Un grand merci à Bertrand Côme pour son accueil, je vous recommande cette visite très intéressante … et parfumée ! un dernier regard sur le paysage et l’Océan au loin … et il faut quitter le domaine du Grand Hazier, hélas.

Je souhaite à la vanille de la Réunion de prospérer, car elle n’est hélas pas très bien placée en termes de prix face à sa concurrente de Madagascar, vendue dix fois moins cher, et souffre aussi face de la présence sur le marché de vanilline de synthèse. Il faut raisonner également en termes de recherche, Bertrand et son équipe font des essais de variétés pour voir par exemple si les différences de gousses ou d’aspect de lianes ont un impact sur l’arôme, ce qui est intéressant comme question … La Réunion n’a produit que deux tonnes de vanille l’an dernier, ce chiffre ne représente que 1 % de la production mondiale. Il faut donc miser sur le critère de qualité, et avoir l’ambition du marché local et métropolitain, l’île ne pouvant produire assez pour satisfaire un marché comme celui du Japon par exemple, déjà friand du café bourbon pointu.

vanilleraie grand hazier la reunion

Ce voyage à la Réunion est le fruit d’une collaboration avec Réunion Tourisme. Les choix éditoriaux des articles qui font suite à ce voyage me reviennent librement.

DOMAINE DU GRAND HAZIER
7 Chemin du Grand Hazier
Allée Chassagne
97411 SAINTE SUZANNE

Téléphone : 0262 23 07 26
Site Web : http://www.lavanilleraie.com

Tarif adulte : 5 euros / Tarif enfant moins de 10 ans : 3 euros

19 commentaires

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    Vraiment très intéressant cet article, je n’imaginais pas qu’il y avait autant d’étapes ! La visite de la vanilleraie doit être passionnante, dommage que l’odeur des gousses n’arrive pas jusqu’ici 😉

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    Pour avoir visiter il y 8 ans maintenant une autre vanilleraie à la Réunion, on comprend plus facilement le prix de cette merveille après avoir suivi toutes les étapes de la production. Comme toi, y étant allée en avril, je n’ai pu voir les fleurs, mais j’espère bien pouvoir y retourner. J’aimais beaucoup la vanille avant ce séjour, après je crois bien que ma consommation a considérablement progressé.

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    Merci pour ce beau voyage olfactif accompagné de belles photos. J’ai eu l’occasion de voir la vanille à Madagascar lors d’un voyage avec des parfumeurs créateurs.
    Allez à la source des matières premières de parfum est passionnant, elles nous font faire de vrai et beau voyage… On lui doit de grands parfums à cette belle vanille comme Shalimar de Guerlain, grâce à la découverte et l’isolation d’une molécule issue de la vanille que l’on a synthétisé.

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    J’adore tes articles sur la Réunion! J’ai tout un stock de vanille de la Réunion et de Madagascar chez moi que je garde précieusement comme un trésor, et que j’adore sentir de temps en temps. J’espère ne jamais le finir ^^ Ta première photo déchire!

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    Vraiment géniale comme visite. J’ai appris plein de choses. J’espère aussi que la vanille réunionnaise va réussir à tirer son épingle du jeu, mais je pense qu’il y a une piste avec le haut de gamme et le gage de qualité que constitue une production comme celle du domaine du Grand Hazier. Existe-t-il une appellation d’origine protégée (française et/ou européenne) de la vanille de la Réunion ? Merci pour cette belle découverte.

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    Super intéressant ton reportage par cet article bien illustré. J’ai appris beaucoup de choses sur un produit que « j’ai » ramené de cette île par conteneurs il y a qqes années. Mais, très sincèrement, je ne pensais pas que la vanille nécessitait autant de travail…Cela doit être encore mieux de le voir et de se le faire expliquer sur place.

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    Ah oui, la visite de la Vanilleraie de Sainte Suzanne, je la conseille à toute personne qui visite l’île! On y apprend effectivement beaucoup de choses, tant sur ses origines que sur la préparation des gousses. et ca donne encore plus d’idées de préparations culinaires!!!
    Et le cadre est très agréable, dans la ville de Sainte Suzanne qui mérite elle aussi le détour!

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